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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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grande attention.
    C’est important.
    L’adolescent hocha gravement la tête.
    — Et tu as là ton journal ?
    Raymond le tenait à la main. Le prêtre le récupéra pour en parcourir les pages en vitesse. L’écriture ronde, nette, trahissait une grande attention. Dans le pli, près de la reliure, les déchets de gomme à effacer témoignaient d’une relecture, et même d’une réécriture appliquée. Au passage, l’homme lut « Sermon de monseigneur Buteau», suivi d’une date. Un examen rapide lui permit de constater que ses prêches dominicaux se trouvaient studieusement résumés.
    — Cela paraît être un beau travail. Je le regarderai attentivement.
    La voix trahissait sa satisfaction. Cette première rencontre de direction spirituelle était de bon augure pour les deux parties. Le visiteur se sentit peut-être un peu trop rassuré. Le cheminement vers la vertu allait tout de même se révéler un tantinet désagréable.
    — Je te regarde, Raymond, et tu me parais un peu...
    enveloppé. Tu aimes bien manger, je crois.
    — ... Oui, monseigneur.
    Dans d’autres circonstances, il aurait pu répondre: «Je ne suis pas plus enveloppé que vous. » Mais une telle réaction aurait entraîné la fin abrupte de leur belle relation naissante.
    — Apprendre à dominer son appétit lors du repas, c’est aussi fondamental que d’apprendre l’alphabet.
    — Ma mère met toutes sortes de bonnes choses sur la table.

    Un peu plus, et il l’accuserait de jouer au Chariot culinaire avec lui. — Mais si rien de bon ne se trouvait à ta portée, tu n’aurais aucun mérite à t’en passer. Les gens très pauvres ne jeûnent pas, ils crèvent de faim. Cela ne les aide en rien à faire leur salut. C’est en sacrifiant ce qui te procure du plaisir que tu pratiques la mortification.
    — Je ne peux pas refuser la nourriture que mes parents offrent à la famille. Ils travaillent si fort pour l’obtenir. Ce serait... insultant, ne croyez-vous pas?
    Le garçon semblait déterminé à défendre ses petits plaisirs. Buteau ne se souvenait guère d’avoir vécu un dilemme de ce genre, enfant. Il comptait plutôt parmi ceux qui crevaient de faim, à la fin du siècle précédent.
    — Je suis certain que tu trouveras le moyen de te sanctifier sans
    heurter
    la
    sensibilité
    des
    autres.
    Imaginons
    quelques petits scénarios. Au déjeuner, ne pas mettre de sucre dans le gruau, ou dans le thé ou le café. Car tu aimes le sucre, n’est-ce pas ?
    — Oui...
    L’aveu coûtait au jeune garçon. Au terme de cette rencontre, il le devinait maintenant, sa vie prendrait un chemin plus difficile.
    — Au souper, pourquoi ne pas prendre un peu plus de ce que tu détestes et un peu moins de ce que tu aimes ?
    — Mais si j’aime tout, dans le repas...
    — Alors avale tout, très vite, sans goûter.
    De la part d’un ecclésiastique un peu adipeux, tous ces conseils confinaient à l’absurde. Le sujet des collations entre les repas les occupa longtemps. Quand vint l’heure de rentrer chez lui, Raymond se disait qu’après tout, le port d’un cilice ne représentait pas le moyen le plus difficile de se sanctifier.

    *****
    Quand on fréquentait une institution comme le Petit Séminaire de Québec, les jours de retraite fermée ne paraissaient pas tellement différents des autres : les mêmes phrases pieuses sans cesse répétées, les mêmes abbés monopolisant les échanges.
    Penché sur son cahier, Raymond Lavallée écrivait des phrases éparses. Toutes lui fourniraient des heures de méditation.
    «Le plus grand obstacle à la prêtrise demeure l’impureté. »
    Le bon abbé ayant prononcé ces mots le matin même présentait un visage dur, émacié. Aucun de ces jeunes ne pouvait l’imaginer en pleine nuit, couché sur le dos dans un lit, une érection solide et, semblait-il, éternelle au bas du ventre. Eternelle, à moins de faire quelque chose, bien sûr.
    «Je veux voir en mes mains des mains de prêtre. »
    Bien sûr, après vous être..., comment offrir l’hostie aux croyants ? Mais comment ne pas succomber, avec Chariot toujours tapi dans un coin de la chambre ?
    «Je suis pur et je veux rester pur. Sainte Vierge, priez pour moi», griffonna l’adolescent.
    Deux jours à entendre parler de toutes les qualités exigées par la
    vocation
    sacerdotale,
    dont
    le
    jugement,
    la
    volonté, l’énergie, la bonne humeur, l’amabilité, l’humilité.
    Pour chacune d’entre elles, Raymond écrivait : « Cela

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