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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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derrière son bureau. Après avoir échangé brièvement quelques mots sur le climat maussade de ce début d’automne, le notaire demanda :
    — Parle-moi donc de cet achat que tu caresses.
    — Auparavant, une question : as-tu toujours des clients désireux de placer de l’argent? Je serais présentement disposé à emprunter une forte somme.
    Ce genre d’éventualité survenait souvent dans une étude de notaire. Une personne se retrouvait avec un héritage et désirait le faire fructifier, sans oser cependant s’aventurer à la Bourse. Quand son hôte hocha la tête, Mathieu enchaîna :
    — Elisabeth Picard m’a exprimé le désir de se départir de sa part du magasin héritée de son défunt mari. Je voudrais l’acheter, mais comme tu dois t’en douter, je ne dispose pas de liquidités aussi importantes.
    — Cela représente une sérieuse somme, en effet. Tu n’as pas pensé à une banque ?
    — S’il y a moyen de faire autrement, autant l’éviter.
    L’homme pensait réduire un peu le taux d’intérêt en s’adressant à un prêteur privé.
    — Comme ta maison porte une hypothèque, précisa le notaire, elle ne peut suffire comme garantie. La personne qui misera sur toi voudra connaître ta solvabilité.
    — J’ai l’autre part du magasin, et bien sûr mon salaire.
    Cela laissa Fernand Dupire songeur. Qu’un jeune professionnel veuille investir ne le surprenait guère. Toutefois, ce projet avait un côté trouble. Elisabeth aurait dû permettre à son fils de consolider sa propriété sur le magasin, plutôt que d’avantager un neveu. La situation le laissait perplexe.

    —Je te le disais l’autre soir, il me semble que l’achat des maisons voisines de la tienne constituerait un investissement sûr. Tu pourrais d’ailleurs liquider ta part du magasin et la consacrer à cela. Ce serait un levier pour toi et la banque te fournirait le reste. Même si tu as travaillé dans la boutique familiale pendant ta jeunesse, tu ne peux prétendre connaître très bien le commerce de détail.
    Remplie de sagesse, la remarque n’eut cependant pas l’effet désiré.
    — Je suis un Picard, le petit-fils de Théodule. Quand je vois des pages complètes d’annonces de ce commerce dans Le Soleil, je me sens interpellé.
    — Comme c’est romantique ! déclara le notaire avec un brin d’ironie. Mais même avec le tiers des parts, ce dont tu bénéficierais avec l’achat de celle de ta tante, cela ne te donnerait pas la majorité. Tu disais il y a quelques semaines vouloir participer à la prise de décisions. Là, tu risques de t’endetter, tout en laissant à un autre la gestion de ton patrimoine. Ton avenir, comme celui de tes enfants, sera entre les mains d’Edouard. Tu ne me parais pourtant pas du genre à abandonner le gouvernail de ta vie à un autre.
    — Le magasin est prospère, l’investissement rapportera.
    — Depuis quelques années, les affaires vont bien. C’est dans l’adversité que l’on reconnaît les bons gestionnaires.
    Rappelle-toi les crises de 1913 et de 1919. Dans des circonstances de
    ce
    genre,
    les
    profits
    annuels
    sont
    bien
    différents.
    Ces deux années-là, le magasin PICARD avait fort peu rapporté, en effet. Mathieu se rappelait le chèque portant un montant anémique reçu en janvier 1920.
    — Edouard ne te paraît pas un capitaine bien fiable, remarqua Mathieu.

    — Il a toujours suivi la mode, en toute chose. Maintenant, elle est à la spéculation sur les actions. Ta tante me paraît plus sage : un terrain, de la brique et du mortier, ce sont des valeurs tangibles.
    — Les cours de la Bourse montent sans cesse.
    — Alors achète des actions. A ta naissance, Théodule était décédé depuis plus de cinq ans. Tu ne lui dois aucune fidélité filiale.
    Si de nombreuses grandes familles de la Haute-Ville tenaient en haute estime les compétences du notaire Dupire, c’était pour la sagesse de tels conseils. Dans les circonstances, Mathieu devait se faire plus explicite.
    — Si tu n’as jamais compté les mois entre le mariage de mes parents et ma naissance, tes parents ont dû le faire.
    Thomas était mon père.
    — ... Nom de Dieu !
    La surprise paraissait sincère sur les traits du professionnel.
    Malgré
    des
    années
    à
    traiter
    avec
    discrétion
    des
    secrets de famille, Fernand ne soupçonnait pas du tout celui-là.
    — Cela explique qu’Elisabeth accepte de te vendre sa part, remarqua-t-il, plutôt que de céder à l’insistance de son

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