Théodoric le Grand
fille. La couture, le ménage, la cuisine, et
plus tard l’art du maquillage, de la teinture et du crêpage des cheveux. Après
quoi j’ai quitté le couvent pour faire mon chemin dans le monde.
— Mais dis-moi, pendant que tu vivais là-bas, aucune
nonne n’a jamais deviné… eh bien… que tu étais différent ?
Cette pensée fit sourire Thor.
— Qu’est-ce qu’une nonne aurait pu savoir de ce genre
de chose ? Étant enfant, elles me considérèrent avec compassion… Pour
elles, je n’étais qu’une pauvre petite fille affligée d’une malheureuse malformation,
qu’elles ne considéraient pas pour autant comme un handicap. Dès que
j’atteignis l’âge de la puberté, elles découvrirent que mon infirmité avait ses
avantages. Elles n’avaient peut-être pas de mot adéquat pour la désigner, mais
elles surent parfaitement s’en servir. Toujours en secret, bien entendu…
toutes, depuis la prieure la plus âgée jusqu’aux novices. Pour le reste, tout
le temps que je vécus parmi elles, je fus considérée comme une jeune fille au
développement anormal, un point c’est tout. Et je le crus également.
— Comment as-tu su la vérité ?
— Lorsque j’atteignis quatorze ans, la mère supérieure
me trouva une place de cosmeta chez une matrone de Tolosa. Le mari de
cette dame, quant à lui, ne tarda pas à vouloir profiter d’autres services
rendus par une jolie jeune fille comme moi. Le jour où il découvrit mon…
équipement unique en son genre, loin de s’en formaliser, il y trouva un regain
de plaisir. Il l’appela ma « rose trop ouverte » et déclara qu’elle
le captivait, le séduisait, même. Il n’avait pas l’air d’imaginer que mon
attribut ferait un jour concurrence au sien. Sa femme, elle, le conçut sans
difficulté. Lors d’un bain que nous prîmes un jour ensemble, elle remarqua ma
rose trop ouverte, et c’est elle qui m’enseigna comment m’en servir à la façon
d’un homme, sous ce rapport tout au moins.
Thor fit une pause et haussant les épaules, il
continua :
— Akh, c’est ainsi… Mon homonyme, la reine
Geneviève, l’épouse du roi Alaric, était elle aussi adultère. Durant plus d’un
an, je rendis service alternativement au mari, puis à la femme, passant parfois
de l’un à l’autre durant la seule heure de repos, la sexta. La femme
savait fort bien que j’étais la nymphe de son époux, et n’y vit jamais la
moindre objection. En revanche, lorsque celui-ci me surprit en train de jouer
énergiquement au satyre avec sa femme, il en pleura de rage. Puis il me brûla
le dos avec un tison et me flanqua à la porte.
— Eh bien ! Espérons que tes blessures, tes scandales
et ces furtives allées et venues sont désormais derrière toi. Peut-être
seras-tu dorénavant en mesure d’assouvir tous tes besoins sans avoir à te
cacher. Ni à errer à l’aventure.
— Tu veux dire… avec toi ?
Thor laissa tomber mes vêtements de Veleda et me sourit de
l’autre côté de la pièce.
— En assumant ouvertement ma relation avec toi ?
Et avec toi seul ?
L’instant d’après, Thor, venu s’allonger tout contre moi, me
prodiguait de douces caresses.
— Veux-tu dire par là que tu m’aimes déjà ? Ou
est-ce juste la soif de luxure ? Akh , après tout, n’est-ce pas
aussi une certaine forme d’amour ?
— Attends ! Attends ! tempérai-je gentiment.
Laisse-moi te confier les mensonges que j’ai dû raconter aux amis qui
m’accompagnent.
— Pour quoi faire ?
— Afin d’éviter que tu ne contredises ma version quand
tu t’adresseras à Meirus, à Swanilda ou à Lombric.
— Pourquoi devrais-je leur parler ?
— Parce que tous sont impliqués, à un degré ou à un
autre, dans ma mission de recherche historique sur les Goths.
Thor s’éloigna un peu.
— J’avais espéré qu’après cette nuit, tu abandonnerais
l’idée de mener à bien cette stupide mission.
— L’abandonner ? Mais je suis en service commandé
pour le roi !
— Et alors ? J’ai bien abandonné une reine pour
toi, sans explications ni excuses. Si ça se trouve, la reine Ragna m’a jeté un
sort…
Apparemment peu troublé à cette perspective, Thor s’esclaffa
doucement et ajouta :
— Maintenant que la voici privée de mes services, elle
doit vraiment ressembler à une sorcière haliuruns !
— Je suis flatté que tu m’aies cherché avec tant
d’entrain. Mais permets-moi de souligner que tu étais une
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