Toute l’histoire du monde
et au pouvoir !
En Turquie, la même année 1922 vit le triomphe de Mustafa Kemal (1881-1938) – parenté léniniste également oubliée…
La Turquie, victorieuse aux Dardanelles, n’avait pas été battue, mais l’empire ottoman ne put survivre à la défaite de son puissant protecteur allemand.
Inconscients, les Alliés – Anglais, Français, Italiens et Grecs – crurent à la disparition des Turcs. Ils se partagèrent les restes de l’empire (à la France, la Syrie ; à l’Angleterre, l’Irak ; à l’Italie, le Dodécanèse, etc.). Surtout, les Grecs, tard entrés dans la guerre, avaient une idée fixe : restaurer l’empire byzantin, reprendre aux Turcs Constantinople perdue depuis 1453. Cette idée n’était pas folle : les Hellènes, majoritaires à Constantinople, l’étaient aussi dans l’ouest de l’Anatolie. On leur donna Smyrne, où ils furent accueillis en libérateurs par les Grecs d’Asie.
Mais le peuple turc existait, l’armée turque aussi, et Mustafa Kemal avait vaincu les Alliés aux Dardanelles. Ils s’insurgèrent. Kemal, lui-même originaire de Salonique, instaura une république à Ankara et son armée écrasa celle des Grecs en 1922. Ensuite, il chassa les populations hellènes (comme d’autres généraux turcs avaient un peu plus tôt chassé les Arméniens).
Personne ne souligne que la Grèce actuelle occupe à peine la moitié du territoire jadis peuplé par les Hellènes. Homère était d’Asie Mineure, les philosophes présocratiques aussi. Quand on parcourt aujourd’hui l’Anatolie, devenue Turquie, on peut y admirer les plus belles ruines hellénistiques du monde : Éphèse, Aphrodisias, le théâtre d’Aspendos, Marmaris, Pergame, etc.
Cette tragédie entraîna l’exode hors d’Asie Mineure de millions de Grecs qui n’y reviendront jamais. La Grèce actuelle, territorialement, c’est comme si la France était réduite au territoire de la « zone libre » de Vichy !
On a oublié que Kemal et Lénine s’estimaient et s’admiraient. Kemal était athée. Il pourchassa le sultan, commandeur des croyants, et abolit le califat. Il supprima la charia et laïcisa l’État, allant jusqu’à remplacer les caractères arabes par les caractères latins dans l’écriture turque. Il signa un traité de bon voisinage avec les Soviets et mourut, couvert de gloire, dans son lit en 1938 (comme aurait pu le faire son voisin Mussolini).
Constantinople était devenue Istanbul. Les paysans musulmans d’Anatolie ont préféré sauver la patrie avec un général notoirement athée (et porté sur l’alcool) plutôt que de garder le califat dans la servitude. Les Turcs sont « d’abord turcs » (slogan affiché au long des routes d’Anatolie). Ils détestent aussi les Arabes, qui se sont révoltés contre eux en 14-18 (voilà pourquoi les Turcs sont aujourd’hui d’excellents alliés d’Israël).
Pourtant, les partis arabes du Proche-Orient se voulaient également laïcs et socialistes. Le parti « Baas », toujours au pouvoir en Syrie et qui l’était en Irak avec Saddam Hussein, fut – jusqu’à la disparition de celle-ci – protégé par l’Union soviétique.
Cependant, la révolution mondiale avait fait long feu. Diminué par une congestion cérébrale, Lénine mourut en 1924. Staline lui succéda – Iossif Vissarionovitch Djougachvili de son vrai nom. Staline renonça en fait à la subversion internationale, se contentant d’utiliser la foi des communistes étrangers au profit de la Russie. Il inventa la théorie du « communisme dans un seul pays » et, assez peu idéologue, établit – sous couvert de communisme – une terrible et sanglante dictature : il multiplia les purges et les assassinats, et ouvrit partout des camps de concentration (le Goulag). Il chassa Trotski, concurrent trop glorieux. Celui-ci se réfugia en France, où André Malraux le rencontra, puis au Mexique. Staline le fit assassiner par un agent soviétique en 1940 à Mexico. Pourtant, l’espoir quasi religieux subsistait malgré la dictature stalinienne.
Le soleil rouge d’Octobre continuait d’éclairer, hors d’URSS, des millions de militants de bonne foi. On ne comprend rien au prestige des Soviets, auquel furent sensibles des non-communistes comme Malraux et Gide, si l’on méconnaît leur dimension messianique. Cela explique aussi que, jusque dans les années 1960, ni la désillusion de Gide au Retour d’URSS (1936) ni celle de Boris Souvarine, chassé
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