Toute l’histoire du monde
romains : l’opiniâtreté. Surclassée par le génie d’Hannibal, Rome ne céda pas mais leva de nouvelles légions. Dans sa longue histoire, Rome n’a jamais signé un armistice ou un traité en sa défaveur.
La guerre s’éternisa. Un jour, un général plus audacieux débarqua les légions en Tunisie. Effrayée, Carthage rappela Hannibal, qui quitta l’Italie en y laissant les meilleurs éléments de son armée. Il y était resté dix-sept ans ! En -202, à Zama (près de l’actuelle Tunis), il fut battu. Carthage demanda la paix. Rome s’empara de l’Espagne, du sud de la Gaule, de la plaine du Pô. Hannibal, obligé de s’exiler, finira par se suicider en Anatolie, chez le roi de Bithynie, ayant appris que son hôte allait le livrer.
Ce triomphe scella le sort de Carthage. Même battue, elle faisait encore peur aux sénateurs, qui disaient : Delenda est Carthago , « Carthage doit être détruite ». Elle le sera en -146 (troisième guerre punique) ; la ville fut rasée. Rome se montra toujours impitoyable. Ces guerres changèrent l’Occident. Si Carthage avait gagné, par exemple, nous parlerions des langues sémitiques et non des langues issues du latin (français, italien, espagnol).
Tout était joué, après cela, en Méditerranée. Les royautés hellénistiques avaient perdu leur valeur militaire. Rome les subjugua facilement. Les rois Philippe V de Macédoine et Antiochus de Syrie furent écrasés successivement. En -168, Rome établit son protectorat sur le monde grec, mais cette fois sans haine. Elle avait eu peur de Carthage, elle n’avait pas eu peur des monarques hellénistiques. De leur côté, les Grecs considéraient les Romains comme leurs disciples et n’ont guère résisté à la cité du Latium.
D’ailleurs, la culture grecque s’imposa à Rome, comme Horace le constate : « La Grèce vaincue a conquis son noble vainqueur. » Les Romains chic prirent des précepteurs grecs. Rome fit venir philosophes, savants, pédagogues.
Ainsi la cité conquérante, la « ville » par excellence, réussit-elle à unifier le monde méditerranéen. Soulignons une date : en 63 avant Jésus-Christ, Jérusalem fut conquise par les Romains. L’Égypte hellénisée des Ptolémées restait apparemment indépendante ; en fait, c’était un protectorat.
Pour la première et unique fois – mais pour des siècles -, la Méditerranée, centre du monde, était dominée par un seul État.
Rome eut ainsi un rôle capital : elle donna à l’hellénisme la durée qui lui avait toujours manqué. La culture grecque pourra durer et, plus tard, le christianisme trouver un espace !
Un seul État, une seule civilisation : l’unité du monde méditerranéen est réalisée pour très longtemps.
Cela n’alla pas sans mal pour Rome : sa république n’était pas conçue pour diriger le monde. Rome, qui vit sa population décupler, devint la ville la plus importante jamais connue jusque-là. Un ou deux millions d’habitants : chiffre énorme pour l’Antiquité, où n’existaient pas les transports de masse. Pourtant, le blé des Romains venait depuis la mer Noire ou l’Égypte.
L’inadaptation des institutions, l’explosion de la population, entraînèrent des guerres civiles qui déchirèrent la cité pendant un siècle : la guerre des Gracques (vers -122), qui prétendirent défendre les droits du peuple ; celle de Marius contre Sylla (vers -88), qui transforma l’armée romaine, jusque-là armée de conscription, en armée de métier.
L’étonnant est que ces troubles ne nuisirent pas à la domination romaine. Il y eut certes la révolte des esclaves, en Italie, dirigée par Spartacus. Si l’on veut avoir une idée du monde romain de l’époque, de sa gloire, de sa cruauté, il faut lire le livre consacré à Spartacus par Howard Fast.
Il y eut aussi des révoltes en Espagne et en mer Noire (Mithridate, roi du « Pont » ; le Pont-Euxin, c’est la mer Noire) ; des inquiétudes se firent jour, mais l’hégémonie ne fut pas remise en cause.
De ces craintes témoigne la lettre envoyée par un officier de la deuxième cohorte de la légion Augusta (en Algérie) à son cousin Tertullus resté à Rome, cité par Suétone. Ce texte traduit bien l’état d’esprit des Romains, leur conviction (héritée d’Alexandre) d’apporter avec eux la civilisation. Il aurait pu être écrit par un officier français de la guerre d’Algérie :
« On nous avait dit que nous
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