Toute l’histoire du monde
sud, dont témoignent les ruines de Timgad.
L’Angleterre, la France, la Belgique, l’Allemagne du Sud, la Suisse, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, la Croatie, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie, la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie (« terre des Romains »), la Turquie, la Syrie, le Liban, la Palestine, la Jordanie, l’Irak du Nord, l’Égypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc faisaient partie de l’Empire (sans compter, bien sûr, toutes les îles méditerranéennes). Autour de l’Empire, on trouvait seulement des tribus préhistoriques de bédouins ou d’éleveurs, sauf vers l’Orient où l’État perse (parthe) le séparait des Indes.
On évalue la population impériale entre 50 et 100 millions d’habitants : le tiers de la population mondiale de l’époque.
Les frontières de l’Empire ont marqué l’histoire. Par exemple, la différence entre Anglais et Écossais est seulement que les premiers furent romanisés. Des siècles plus tard, quand des problèmes de religion les opposèrent, les Allemands se séparèrent selon le tracé de Y ex-limes : ceux qui gardaient le souvenir de Rome se soumirent naturellement à l’autorité de l’Église « romaine », et les autres devinrent protestants. La frontière actuelle entre les Allemands catholiques et les Allemands luthériens conserve en gros le tracé du limes impérial.
Cela prouve l’inexactitude du slogan à la mode : « Les frontières sont dépassées. » Fernand Braudel a écrit au contraire qu’une frontière ne disparaît jamais. Une frontière ressemble à une vieille cicatrice : elle ne fait pas souffrir, mais parfois elle se rouvre. Le passé laisse sa trace et explique bien des caractéristiques du présent.
L’impérialisme romain inaugura une idée très originale : l’« assimilation ».
Rome était impérialiste (le mot vient d’elle), mais pas raciste. Elle pratiqua très tôt l’assimilation complète des peuples conquis – tout au moins de leurs élites. Tous les notables indigènes pouvaient espérer acquérir la citoyenneté romaine (l’apôtre Paul, ce rabbin juif, était romain de naissance par son père), et même gouverner : il y aura des empereurs gaulois, espagnols et arabes.
Les Romains avaient compris que la force seule ne garantit pas la durée. Talleyrand le redira : « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus. »
Nous avons déjà souligné qu’une certaine adhésion des gouvernés est nécessaire au gouvernement. Rome faisait venir à elle les richesses du monde, prélevait l’impôt et dominait, mais en contrepartie elle assurait la « paix romaine » : la loi, la sécurité, l’ordre, une certaine liberté locale (les « cités » gardaient leurs municipalités et leurs règlements propres).
On a tort de dire que les États-Unis sont la Rome d’aujourd’hui. Ils ne sont pas une nation impériale, comme le fut l’Italie romaine (et comme le furent aussi la France et l’Angleterre), mais une nation « hégémonique ».
Pour qu’il y ait empire, il faut qu’il y ait un échange -inégal certes -, dans lequel le dominant prend beaucoup aux dominés, mais leur rend aussi un peu. Or les Américains ne se sentent pas responsables de cette manière-là. Ils sont hégémoniques en Amérique latine depuis deux siècles, mais ne sont en rien troublés qu’une guerre, en Colombie, puisse faire périr un million de personnes en trente ans. L’Angleterre était une nation impériale et l’on ne parlait pas à tort d’empire britannique. Elle pressurait certes les Indes, mais il eût été impensable qu’une guerre y fît des milliers et des milliers de morts, pendant des années, sans que l’armée de Sa Gracieuse Majesté intervînt.
Nous l’avons dit, les Romains ont inventé le droit. Dans les Actes des Apôtres, on peut lire à ce sujet une histoire significative :
Paul prêchait à Éphèse, grande ville d’Asie Mineure, qui abritait le temple de la déesse mère méditerranéenne (culte toujours célébré à Marseille sous un vernis catholique celui de la « Bonne Mère »). Les marchands du temple virent d’un mauvais œil l’annonce du Dieu unique, qui ferait péricliter leurs affaires. Une émeute éclata. La foule s’empara de Paul. Le gouverneur romain dit alors aux émeutiers (Actes XIX, 35) :
« Éphésiens, que faites-vous là ? Si vous avez quelque chose à reprocher à ce
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