Toute l’histoire du monde
consolidant son pouvoir sur le sous-continent indien : l’India Act date précisément de 1784.
Mais un nouvel acteur était entré en scène : les États-Unis.
La Constitution américaine, adoptée le 17 septembre 1787, créait une république fédérale dont George Washington fut le premier président. En réalité, elle créait une nation : We the People , « Nous, le Peuple », sont les premiers mots de la Constitution fédérale. Pour la première fois, une république voyait le jour, selon les vœux des intellectuels français. Car la France fut plus grande, au XVIii e siècle, par ses lettres que par ses armes.
Tout le monde connaît Voltaire (1694-1778) et ses contes, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et son fameux Contrat social (1762). Les idées de Rousseau, davantage que celles de Voltaire, sont actuellement à la mode. Il est l’inventeur de l’« enfant-roi » : l’Émile fut publié la même année que le Contrat . Les principes constitutionnels de Montesquieu dans Y Esprit des lois (1750) – la « séparation des pouvoirs » – inspirèrent largement la Constitution américaine.
Publiés de 1791 à 1772, les dix-sept volumes de l’Encyclopédie, dont Diderot et d’Alembert furent les principaux rédacteurs, présentent une synthèse générale du savoir humain et font du français la langue universelle, affirmant partout la prééminence de la raison sur les dogmes.
Rationalistes et humanistes, les philosophes des Lumières n’étaient pas des démocrates ; ils se prévalaient du « despotisme éclairé ». Rousseau concevait certes l’idée d’une démocratie, mais il était isolé sur ce point.
Voltaire et Diderot étaient reçus par les rois étrangers. Ils se spécialisèrent même dans le conseil des souverains. Le coaching, dirait-on aujourd’hui – terme repris des Américains et qui vient du français cocher , « diriger » (le cocher d’un fiacre). Ils écrivaient à Catherine de Russie et à Frédéric de Prusse, et en recevaient des dizaines de lettres. Or, Catherine II et le grand Frédéric n’étaient pas précisément des démocrates…
On peut établir une filiation entre le despotisme éclairé des philosophes et la « bien-pensance » contemporaine (de qualité littéraire très inférieure, il est vrai, à celle du XVIII c siècle). Les ressemblances sont frappantes : le cosmopolitisme ; l’idée que le peuple est trop ignorant pour être libre ; le libertinage ; la bonne conscience et la prédilection pour des causes humanitaires, certes, mais de préférence lointaines (le tremblement de terre de Lisbonne) ; une disposition exceptionnelle au grand écart idéologique (humaniste, mais propriétaire de bateaux négriers) ; enfin, une étonnante faculté à hâter la catastrophe par son comportement.
Lorsque les duchesses trouvaient Rousseau « tellement spirituel », qu’elles riaient de ses saillies « à gorge déployée », elles n’imaginaient pas qu’elles allaient un jour y laisser leurs jolies têtes. Il est intéressant de constater à quel point Ion peut être dépassé par l’application de ses idées. Rousseau pouvait-il imaginer Robespierre ?
Les « Lumières » ( Aufklärung en allemand) furent, néanmoins, un formidable mouvement de liberté et d’émancipation. L’idée d’égalité des hommes survit à toutes les modes. On connaît le mot de l’un des personnages du Mariage de Figaro de Beaumarchais, un homme du peuple, répliquant à un noble qui affichait sa morgue : « Vous vous êtes seulement donné la peine de naître ! »
Ces idées subversives trouvèrent abri dans la franc-maçonnerie. Les corporations ouvrières du Moyen Age, en particulier celle des maçons (« francs » veut dire « libres »), jouissaient de libertés corporatives. Des intellectuels pensèrent à y chercher refuge et reçurent bon accueil des maçons (d’où le tablier et la truelle). Progressivement, les « loges » devinrent des sociétés de libre pensée et perdirent leur caractère professionnel. La Grande Loge de Londres, dite « spéculative » (et non plus ouvrière), fut fondée en 1717. En France, la franc-maçonnerie se développa à partir d’exilés anglais dès 1725 et connut une rapide extension sous l’impulsion du duc d’Orléans, qui fut le premier grand maître de la Grande Loge de France en 1773.
Le siècle des Lumières a sa part d’ombre. Ce fut en effet la grande époque de la traite
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