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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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sans se plaindre, il leur laissait étendre et augmenter leur prérogative, comme ils voulaient, jugeant, avec rai­son, qu'ils ne pratiquaient rien en cela qui préjudiciât à ses lois, puisqu'ils agissaient conformément aux fondements et à la fin de toutes les lois, c'est-à-dire, conformé­ment au bien public.
     
    166. Certainement, ces Princes, semblables à Dieu, autant qu'il était possible, avaient quelque droit au pouvoir arbitraire, par la raison que la monarchie absolue est le meilleur de tous les gouvernements, lorsque les Princes participent à la sagesse et à la bonté de ce grand Dieu, qui gouverne, avec un pouvoir absolu, tout l'univers. Il ne laisse pourtant pas d'être vrai que les règnes des bons Princes ont été toujours très dangereux et très nuisibles aux libertés de leur peuple, parce que leurs successeurs n'ayant pas les mêmes sentiments qu'eux, ni les mêmes vues et les mêmes vertus, ont voulu tirer a conséquence et imiter les actions de ceux qui les avaient précédés, et se servir de la prérogative de ces bons Princes, pour autoriser tout ce qu'il leur plaisait faire de mal; comme si la prérogative accordée et permise seulement pour le bien du peuple, était devenue pour eux un droit de faire, selon leur plaisir, des choses nuisi­bles et désavantageuses à la société et à l'État. Aussi, cela a-t-il donné occasion à des murmures et à des mécontentements, et a causé quelquefois des désordres publics, parce que le peuple voulait recouvrer son droit originaire, et faire arrêter et déclarer que jamais ces Princes n'avaient eu une prérogative semblable à celle que ceux qui n'avaient pas à cœur les intérêts et le bien de la nation s'attribuaient avec tant de hau­teur. En effet, il est impossible que personne, dans une société, ait jamais eu le droit de causer du préjudice au peuple, et de le rendre malheureux, quoiqu'il ait été possible et fort raisonnable que le peuple n'ait point limité la prérogative de ces Rois ou de ces conducteurs, qui ne passaient point les bornes que le bien public marquait et prescrivait. Après tout, la prérogative n'est rien autre chose que le pouvoir de procurer le bien public, sans règlements et sans lois.
     
    167. Le pouvoir de convoquer les parlements en Angleterre, et de leur marquer précisément le temps, le lieu, et la durée de leurs assemblées, est certainement une prérogative du Roi; mais on ne la lui a accordée, et on ne la lui laisse que dans la persuasion qu'il s'en servira pour le bien de la nation, selon que le temps et la variété des conjonctures le requerra. Car, étant impossible de prévoir quel lieu sera le plus propre, et quelle saison la plus utile pour l'assemblée, le choix en est laissé au pouvoir exécutif, en tant qu'il peut agir à cet égard d'une manière avantageuse au peuple, et conforme aux fins des parlements.
     
    168. On pourra proposer sur cette matière de la prérogative, cette vieille question : Qui jugera si le pouvoir exécutif a fait un bon usage de sa prérogative? je réponds, qu'il ne peut y avoir de juge sur la terre entre le pouvoir exécutif, qui, avec une semblable prérogative, est sur pied, et le pouvoir législatif, qui dépend, par rapport à sa convocation, de la volonté du pouvoir exécutif; qu'il n'y en peut avoir non plus entre le pouvoir législatif et le peuple : de sorte que, soit que le pouvoir exécutif, ou le pouvoir législatif, lorsqu'il a la suprême puissance entre les mains, ait dessein et entreprenne de le rendre esclave et de le détruire, le peuple n'a d'autre remède à em­ployer, en cette sorte de cas, aussi bien que dans tous les autres, dans lesquels il n'a point de juge sur la terre, que d'en appeler au Ciel. D'un côté, les conducteurs, par de telles entreprises, exercent un pouvoir que le peuple n'a jamais remis entre leurs mains, et ne peut jamais y avoir remis, puisqu'il n'est pas possible qu'il ait jamais consenti qu'ils le gouvernassent, et qu'ils dominassent sur lui, à son désavantage et à son préjudice, et fissent ce qu'ils n'avaient point droit de faire; de l'autre, le peuple n'a point de juge sur la terre à qui il puisse appeler contre les injustices de ses conduc­teurs; ainsi, de tout cela, résulte le droit d'appeler au Ciel, s'il s'agit de quelque chose qui soit assez importante. C'est pourquoi, quoique le peuple, par la constitution du gouvernement, ne puisse être juge ni avoir de pouvoir supérieur, pour former des

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