Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
Vom Netzwerk:
boulot ! » Mais ces deux-là ne réagissaient plus, tout ce qui se passait autour d’eux leur était devenu indifférent. Aumeier avait observé la scène de loin. Il intervint alors en vociférant : « Finissez-en avec ces salopards ! »
    Son subordonné ne se le fit pas répéter deux fois ; il arma son revolver et tira plusieurs coups bien ajustés. Les corps des deux détenus se tassèrent lentement, un filet de sang rougit l’eau sale de la fosse.
    Nous n’étions plus que cinq pour rassembler les corps épars et les entasser en pyramide dans la fosse, où ils formaient une sorte d’îlot émergeant de l’immonde liquide. Après plusieurs heures de travail, nous remontâmes sur la terre ferme. Des centaines de bras et de jambes, de visages inertes et de corps enchevêtrés s’offraient à nos yeux ; c’était un spectacle effroyable.
    On donna l’ordre de procéder à une désinfection massive. Pour cela, nous puisâmes du chlorure de chaux pulvérisé dans un récipient en bois et nous le répandîmes sur les cadavres. Le vent nous projetait du désinfectant sur le visage, brûlant nos yeux que nous pouvions à peine entrouvrir. Mais le travail devait continuer. La moindre défaillance nous eût condamnés à mort. Il suffisait pour s’en convaincre d’écouter les hurlements hystériques des S.S. qui nous entouraient. Par bonheur le vent se calma. La poussière blanche répandue sur les morts était devenue grise. On sentait l’odeur corrosive du chlore mélangée aux émanations putrides des cadavres. Du haut de la fosse, pour rendre ces restes humains invisibles, nous jetions de la terre à l’aide de pelles sur la pyramide des corps. Ce travail s’effectuait dans une hâte fébrile, sous les hurlements incessants et les menaces des S.S., comme s’ils avaient été pressés de faire disparaître le ? traces de leurs crimes. Le chef S.S. Aumeier nous dit clairement : « On voit que vous n’avez jamais travaillé sérieusement, mais nous allons vous l’apprendre ! » Cette nouvelle menace resta sans effet. Nous étions trop exténués. Nous n’avions comblé qu’une faible partie de la fosse. Les cadavres, superficiellement recouverts d’une couche de terre, n’étaient cependant plus visibles. On pouvait espérer que nous en avions terminé ce jour-là avec ce travail de fossoyeurs. Nos surveillants s’apprêtaient à partir lorsque arriva un groupe de S.S. armés qui s’échelonnèrent en faction autour de la fosse.
    Trempés, les pieds nus, couverts de boue et de sang, nous montâmes dans une ambulance. L’emblème international de la Croix-Rouge qu’elle arborait paraissait dans ce lieu bien dérisoire. Il n’existait aucune force au monde capable de mettre un terme au trafic infernal auquel participait ce véhicule.
    Avec le crépuscule, on ne voyait plus rien au-dehors. Exténué, je m’étais étendu sur une bâche qui était dans le véhicule. Dans un songe, je revoyais ma ville natale, Sered an der Waag, notre brave commandant de la garde slovaque nous disant d’un ton débonnaire : « Vous allez partir pour l’Est ! Là-bas, vous pourrez fonder un nouveau foyer. Vous n’avez rien à craindre. Vous serez traités avec humanité. Chacun fera ce qu’il sait faire : le cordonnier réparera des chaussures, le tailleur taillera des vêtements, les médecins soigneront les malades. Mais surtout, vous continuerez à vivre entre vous. Pour celui qui est en bonne santé et qui ne craint pas le travail, vous verrez, tout se passera très bien. De temps en temps, nous irons vous rendre visite, pour nous assurer que vos droits sont respectés et nous rendre compte de vos conditions de vie. » Après avoir subi cette exhortation, nous étions montés dans des wagons de marchandises qui attendaient sur une voie de garage de Sered…
    Notre ambulance s’arrêta devant la porte principale du camp, sur laquelle on lisait l’inscription « La liberté par le travail » ; je retrouvais la dure réalité. Nous franchîmes la porte avec l’escorte S.S. et l’on nous conduisit, par l’allée qui s’étendait entre les bâtiments en briques rouges à deux étages réservés aux détenus, jusque devant le bloc 11, où nous avions passé la nuit précédente dans une cellule souterraine. L’Oberscharführer Engelschall, de service, nous conduisit dans un sombre local. Il y avait à terre sept portions de pain avec du fromage de la Harz, trois rations de thé dans des

Weitere Kostenlose Bücher