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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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contremaîtres porteurs de l’étoile jaune. En 1942, cela eût été impensable. Cette évolution était manifestement motivée par la situation économique et militaire du Troisième Reich qui se dégradait. On pouvait déceler des changements notables, depuis la défaite des armées allemandes devant Stalingrad. À Auschwitz et dans les camps annexes, des exploitations industrielles vitales pour la guerre semblaient avoir jailli du sol telles les usines Buna, Weichsel-Union, Metallwerke, Deutschen Erd-und Steinwerke, Deutschen Ausrustungswerke, et bien d’autres. Comme ces entreprises devaient produire au maximum de leur capacité, la direction du camp se trouvait dans la nécessité de constituer une main-d’œuvre à bon marché, en maintenant les détenus en vie. On ne pouvait plus se permettre de les épuiser par des travaux sans intérêt, qui n’étaient qu’un simple prétexte à leur extermination. Cette politique ne pouvait être poursuivie. Dans le contexte d’une situation tendue sur les plans militaire et économique, il fallait tirer tout le parti possible de la main-d’œuvre disponible. À titre d’exemple, dans le passé on faisait déplacer par les détenus, au pas de course, de gros tas de sable d’un endroit à un autre pendant des heures entières, avec, comme unique instrument de transport, le bas de leur veste qu’ils tenaient relevée devant eux. Ce genre de sport, accompagné des hurlements et des coups incessants des S.S., ne se terminait pas sans la mort d’un grand nombre de prisonniers.
    Bien que l’attitude des S.S. envers nous demeurât aussi cynique que par le passé, nous bénéficiâmes cependant des effets de cette politique. Les détenus en bonne santé capables de travailler avaient désormais la possibilité, en faisant preuve de discernement et d’adresse, et au besoin en faisant usage de la corruption, de tenir le coup un certain temps. Le travail forcé, la sous-alimentation (moins de 1 200 calories par jour, absence de vitamines, de matières grasses et d’albumine) conduisaient la plupart d’entre nous à la consomption. Lorsqu’un détenu arrivait à l’extrême limite de ses forces et devenait incapable de fournir le travail exigé, il était inévitablement envoyé à la chambre à gaz.
    Dans nos nouvelles conditions de vie, bien que très dures, le pourcentage des décès de juifs avait considérablement diminué par rapport à celui de 1942. Comme les prisonniers allemands étaient le plus souvent transférés à Buchenwald ou dans d’autres camps de concentration, la composition de la masse des déportés se modifia ainsi que la hiérarchie. L’attribution de postes à des détenus juifs se multiplia.
    Je partageais un bat-flanc avec mon camarade Jankowski, qui était arrivé ici par le même convoi que notre doyen de bloc. Nous occupions les meilleures places, il n’y avait personne au-dessus de nous. Mon voisin était Daniel Obstbaum, un homme de trente-cinq ans, intelligent et sérieux. Ce camarade avait été déporté à Auschwitz avec sa femme et ses enfants, à la suite d’une distribution de tracts antinazis en France. Obstbaum travaillait dans une importante usine de construction d’avions et, en raison de sa qualification professionnelle, il aurait normalement dû être occupé à l’extérieur. Sa femme et ses enfants furent gazés dès leur arrivée au camp. Affecté au commando spécial, il dirigeait une équipe au four crématoire IV et s’était lié d’amitié avec un détenu juif d’environ vingt-huit ans, Fero Langer, originaire de Dobsina en Slovaquie. Celui-ci était secrétaire de bloc dans un cantonnement voisin. Avant d’être déporté, Langer avait tenté de s’enfuir de Slovaquie en se dissimulant dans le chargement de bois d’un wagon à destination de la Suisse. Mais le wagon ayant été contrôlé à la frontière slovaque, un agent de la douane l’avait découvert. Au camp, il retrouva un camarade d’école, Dobrowolny, un Slovaque allemand, qui accomplissait son service dans les S.S. Un jour, Dobrowolny confia à Langer qu’il ne s’opposerait pas à son évasion. À son avis, ce projet était assez difficile à réaliser, car il faudrait acheter la complicité de nombreux S.S. avec des brillants, de l’or, des dollars ou d’autres valeurs.
    Langer n’avait rien. Il s’adressa donc à Obstbaum, qui se déclara prêt à se procurer de quoi monnayer leur évasion, mais il posa une condition : trois

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