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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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qu’ils acceptaient de prendre.
    Ignacz, un déporté âgé de vingt-trois ans, était l’un des trafiquants les plus habiles du commando spécial. Un séjour de plusieurs années dans un ghetto l’avait familiarisé avec ces pratiques. D’autres tels Leibele et Motl – les deux adjoints du chef d’équipe Schlojme – ainsi que Mendel et Chajim, pour ne citer qu’eux, avaient des aptitudes remarquables pour le marché noir. Dans un monde où régnaient la famine, la violence, le mépris et la corruption, ils avaient appris à se tirer d’affaire. Les contrôles des chefs de bloc S.S., quelque inopinés et méticuleux qu’ils fussent, ne les prenaient jamais au dépourvu. La marchandise suspecte disparaissait dans des caches. Elle provenait pour la plus grande partie des objets personnels abandonnés par les déportés dans le vestiaire des « douches ».
    Presque tous les hommes du commando spécial consacraient une grande partie de leur temps à mettre au point ces trafics, non seulement parce qu’ils leur permettaient d’améliorer leur condition matérielle déplorable mais aussi parce qu’ils leur permettaient d’oublier quelques instants l’horrible réalité.
    L’organisation du trafic n’était cependant pas le seul dérivatif des détenus du commando spécial. Afin d’avoir une apparence plus humaine, ils imitaient leurs geôliers dans leur façon de s’habiller. Certains se risquaient même à prendre des rendez-vous avec des détenues du camp des femmes. C’était là une entreprise particulièrement hardie et risquée. Les moyens de corruption qu’il fallait mettre en œuvre étaient à peine concevables et relevaient d’une richesse d’imagination inouïe. Des détenus parvenaient à leurs fins en se glissant dans une équipe de corvée ; mais au préalable, il leur fallait s’assurer de la complaisance des S.S. de garde au portail d’entrée en leur offrant de l’or ou des diamants. On avait aussi recours à des subterfuges astucieux ; par exemple, on se livrait à de savantes manipulations sur l’unique pompe à eau du camp, de telle sorte qu’il devenait absolument nécessaire de la transporter à une heure inusitée jusque dans le camp des femmes. Cette pratique donnait naturellement lieu à de vives compétitions entre ceux qui avaient la possibilité de profiter de cette ruse.
    Ces relations n’étaient pas spécifiquement motivées par un besoin sexuel ; elles résultaient plutôt du désir de se confier à une personne de l’autre sexe, de chasser le sentiment de total abandon qui nous obsédait.
    La dernière rangée des lits, à l’extrémité de notre baraquement, était réservée aux malades. À cet endroit on avait aménagé une infirmerie sommaire avec une vingtaine de places. Elle était dirigée par le docteur Jacques Pach, le seul médecin du commando spécial. Cet homme, d’environ trente-cinq ans, sensible et intelligent, était arrivé ici dans un convoi venant de France. Fils d’émigrés polonais, il habitait Paris avec sa femme, une Allemande, qui avait essayé de le suivre en déportation.
    Nommé médecin du commando spécial au printemps de 1943, il n’avait aucune nouvelle d’elle, mais refusait de se laisser aller au désespoir.
    Sa tenue jurait dans notre cadre de vie : une culotte d’équitation, des bottes brunes et une blouse blanche. Lorsque je fis sa connaissance, il était en contemplation devant la photographie de sa jeune femme à la lueur vacillante d’une bougie. Près de lui se trouvait une vaste armoire murale contenant des médicaments classiques tels que la pommade Ichtiol, de l’aspirine, du Prontosil, du bicarbonate de soude, du noir animal, de l’opium, du luminal, des sulfamides et de nombreux autres produits pharmaceutiques. Ceux qui les avaient introduits dans le camp n’en avaient plus besoin, le cyclon B les avait définitivement délivrés de toute maladie. Grâce au D r  Pach, ces médicaments servaient non seulement à soigner les hommes du commando spécial, mais ils contribuaient en outre à sauver la vie à de nombreux autres détenus.
    Un jour cependant, Serge, notre doyen de bloc, fut roué de coups près de la grande porte, les S.S. ayant estimé que les détenus de notre bloc s’étaient fait porter malades en trop grand nombre. Fou de rage il se précipita sur le D r  Pach et le frappa violemment, lui reprochant avec grossièreté ses pratiques médicales trop consciencieuses : « Espèce

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