Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
de béton, elle leva son pied assez haut pour pouvoir enlever ses souliers. La scène qui suivit se déroula à la vitesse de l’éclair. D’un coup rapide du talon de son soulier, elle frappa violemment un S.S. au front. C’était Quackernack, qui, grimaçant de douleur, se couvrit le visage de ses mains. Au même moment, la jeune femme se précipita sur lui et lui arracha brusquement son revolver. Un coup de feu retentit, et un deuxième S.S., Schillinger, tomba à terre en poussant un cri. Faisant feu pour la seconde fois, la femme tira alors sur Quackernack, mais le manqua. Un mouvement de panique s’empara de tout le monde. La jeune femme qui avait tiré les deux coups de feu venait de disparaître dans la foule. Elle pouvait à tout instant surgir n’importe où et tirer sur un autre bourreau. Les S.S. comprirent le danger. Ils se glissèrent dehors discrètement, l’un après l’autre, laissant Schillinger inanimé sur le sol. Comme, quelques instants plus tard, plusieurs de ses camarades venaient le chercher, un troisième coup de feu claqua, atteignant l’un d’eux, qui s’enfuit précipitamment vers la porte du vestiaire en boitant.
Alors la lumière s’éteignit et l’on ferma de l’extérieur la porte du local. Nous nous trouvions enfermés dans l’obscurité complète. Ayant perdu, dans le noir, le sens de l’orientation, hommes et femmes couraient éperdument dans tous les sens. J’étais moi-même très angoissé et me demandais si ce n’était pas notre dernier jour à tous, juste au moment où nous allions disposer, à la faveur du soulèvement des détenus, d’une quantité d’armes et de munitions non négligeable. Je tâtonnai le long du mur vers la sortie. Presque tous les hommes du commando spécial s’y trouvaient, mais la foule s’était également massée là instinctivement. Certains pleuraient et se lamentaient, d’autres se faisaient leurs derniers adieux, quelques-uns priaient.
Comme je me tenais avec mes camarades à proximité de la porte, un homme, ayant remarqué que nous ne faisions pas partie du convoi, voulut savoir d’où nous venions. « De la fabrique de mort », lui répondit l’un de nous. L’homme, visiblement affolé, nous demanda : « Mais qu’attend-on de nous ? Nous avions un sauf-conduit pour le Paraguay, et nous l’avons payé assez cher à la Gestapo. J’ai dû leur remettre personnellement trois diamants valant au moins 100 000 zlotys, tout ce qui me restait. Ils ont peut-être demandé bien davantage à la danseuse qui vient de tirer. »
L’empêchant de poursuivre, la porte fut brutalement ouverte et la lumière éblouissante d’un projecteur m’aveugla. Voss se mit à hurler : « Les hommes du commando spécial, dehors ! » Nous nous précipitâmes alors par la porte et dévalâmes l’escalier jusqu’à la cour. Deux mitrailleuses, servies par des S.S. à casque d’acier, étaient braquées sur le vestiaire, que des projecteurs inondaient de lumière. Une horde de sbires S.S. armés couraient tout autour de la cour.
Je marchais vers le local d’incinération lorsque le commandant du camp, Höss, descendit de voiture. Puis j’entendis des rafales de mitrailleuse. En quelques instants tout fut fini. Quant aux malheureux qui avaient réussi à se dissimuler derrière les piliers de béton ou dans des recoins, ils furent vite appréhendés et également abattus dans un local voisin.
Entre-temps, les « désinfecteurs » avaient projeté leurs mortels cristaux de cyclon B dans la chambre à gaz où étaient entrés sans méfiance les déportés qui s’étaient laissés persuader par les propos fallacieux de Hössler.
Le lendemain matin, nous apprîmes que l’Unterscharführer Emmerich avait été blessé et que Schillinger était mort pendant son transfert à l’hôpital. Ce fut un grand soulagement pour tous, car il s’était toujours comporté dans le secteur II du camp des hommes comme un être particulièrement brutal et sadique.
Le cadavre de la danseuse fut mis en bière sur la table de dissection de la section d’autopsie du crématoire II. Tous les S.S. défilèrent pour l’examiner avant qu’il ne fût réduit en cendres. À titre d’avertissement et pour leur rappeler les conséquences d’un seul instant de défaillance.
LA TRAGEDIE DU CAMP DES FAMILLES
L’avance des Alliés sur tous les fronts ne ralentissait en rien les anéantissements en masse. Bien au contraire, les Allemands
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