Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
après avoir remis vos habits, vous vous rendrez devant la pancarte correspondant à l’initiale de votre nom, pour y recevoir le certificat de désinfection. Notez bien le numéro de votre portemanteau, afin que les formalités puissent se faire rapidement et dans l’ordre. Ne considérez pas la désinfection comme une tracasserie administrative. Les autorités helvétiques sont intransigeantes sur ce point. Maintenant, il convient dans votre propre intérêt de vous soumettre aussi vite que possible à cette simple formalité. Rappelez-vous également que les voies ferrées sont souvent bloquées à la suite de raids ennemis terroristes. Il faut donc vous dépêcher si vous voulez partir rapidement d’ici ! »
Cette harangue terminée, les détenus échangèrent leurs impressions avec animation. Plusieurs d’entre eux parlaient avec nervosité, le visage congestionné. Je pus me rendre compte, à certaines bribes de conversations, qu’ils s’entretenaient en yiddish et qu’ils étaient méfiants. Je compris alors qu’il s’agissait de juifs de l’Europe de l’Est, et qu’un grand nombre d’entre eux avaient déjà entendu parler des anéantissements en masse. Les propos rassurants de Hössler avaient cependant impressionné favorablement certains, qui commençaient à se défaire de leurs habits. Mais beaucoup d’autres demeuraient indécis, se doutant instinctivement qu’ils étaient tombés dans un piège. Ils préféraient donc ne pas quitter leurs vêtements, car ils contenaient leurs documents personnels d’identité pour le voyage.
Les S.S. ne sachant pas quelle attitude adopter conduisirent alors ceux qui s’étaient dévêtus à la chambre à gaz. Ayant réussi en peu de temps à y rassembler plus de la moitié des hommes, ils pensaient que leurs compagnons ne tarderaient pas à les imiter et à les suivre. Ces derniers, cependant, donnaient l’impression de vouloir gagner du temps. Mais que pouvaient-ils attendre et espérer ? Le crématoire était déjà entièrement cerné par des S.S. armés et de notre côté, il était inconcevable de participer avec eux à une tentative de libération insensée et irréalisable. Il était également exclu de faire comprendre à ces gens que les nazis allaient les gazer.
Soudain, les S.S. quittèrent l’un après l’autre le vestiaire et revinrent peu après avec des matraques. Sans nul doute, Schwarzhuber venait de leur donner carte blanche pour procéder de la manière classique. Il n’était plus question désormais d’inviter poliment les hommes à suivre les instructions. Il fallait obéir sur-le-champ sans discussion. « Vite, au déshabillage ! Los ! Los ! Dalli, dalli ! [5] Préparez-vous tous pour la douche. Allez, vite ! Plus vite ! » Des ordres brutaux fusaient de toutes parts, mais les gens ne réagissaient pas davantage. Ils restaient debout, indécis comme avant. Les S.S. commencèrent cette fois à s’énerver. Pour bien montrer qu’ils ne plaisantaient pas, ils brandirent alors leur pistolet, le cran de sûreté retiré. Puis, s’étant rapprochés de la foule, ils se mirent d’un seul coup à crier et à frapper au hasard. Pour éviter les coups, ceux qui se trouvaient à l’avant refluaient à l’arrière, tandis que les autres, directement exposés, se dispersaient en tous sens. Il s’ensuivit une énorme confusion augmentant encore la rage et la cruauté des S.S. Beaucoup de déportés saignaient, les autres, affolés, se rendant compte que toute résistance était vaine, se décidèrent enfin à enlever leurs vêtements. Soudain, une jolie femme, à la chevelure bleu-noir, attira l’attention des S.S. Elle retirait ses souliers avec des gestes presque mécaniques, et ayant remarqué qu’elle était l’objet de la curiosité des soldats, tentait de les aguicher. Elle avait une bouche sensuelle et un visage séduisant. Souriant d’un air complice, elle entreprit alors de relever sa robe de manière à laisser voir ses jarretelles. Puis, détachant gracieusement un bas, elle le tira jusqu’à sa cheville, observant discrètement le résultat de son manège. Visiblement très excités, les Allemands ne s’occupaient plus de rien d’autre. Ils la dévoraient des yeux, les poings aux hanches, la matraque pendant à leur poignet.
Elle se débarrassa alors de son corsage et resta ostensiblement quelques secondes en soutien-gorge devant ses admirateurs. Puis, s’appuyant du bras gauche contre un pilier
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