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Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Titel: Troisième chronique du règne de Nicolas Ier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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guerre
séparatiste du Biafra qu’armaient les services de Charles I er de Gaulle contre un Nigeria hostile à nos champignons atomiques du Sahara. Il y
avait des fusils dans les avions de la Croix-Rouge. Le comte reprit alors un
terme lancé par les agents secrets en dénonçant au porte-voix un génocide. L’opinion
en fut émue.
    Depuis cette révélation humanitaire, le comte d’Orsay fit de
l’indignation son panache. Il y avait du Cyrano en lui, avant qu’à la Cour il
se changeât en Scapin. Le comte avait toujours mené grand train et fait bonne
figure dans les salons, tout en dentelles moussantes, et il ne refusait jamais
de s’aider lui-même comme il aidait autrui, ce que lui reprochait M. Péan,
l’accusant de profiter de sa notoriété pour signer d’appétissants contrats.
Dans un rapport, il avait loué les vertus d’un pétrolier français qui
enrichissait sans honte les tyrans de Birmanie, mais, découvert, le comte avait
aussitôt remis la somme déjà versée à des bonnes œuvres ; au Congo, au
Gabon surtout, pour des autocrates qu’il tutoyait il pondit des petits textes
sur la santé, bien rétribués mais qui ne servaient guère, car les hôpitaux
restèrent délabrés et le peuple peu soigné ; d’ailleurs, lorsqu’ils
étaient malades, les privilégiés de ces pays ne fréquentaient que des
établissements français, espagnols ou suisses.
    Lorsqu’il exerça cet art de consultant, le comte n’était
point encore ministre, même s’il l’avait déjà été, et son activité n’était pas
illégale, qui consistait à vendre son nom, mais le professeur de Bré, un
éminent chirurgien qui connaissait l’Afrique, en fut choqué : « Quand
on va aider ces pays, dit-il, on évite de demander de l’argent. » Où était
passé le bénévole ? Le livre de M. Péan froissa l’image du comte, qui
riposta. Parce que le mot cosmopolite figurait dans l’ouvrage, il fut
trompeté que cela évoquait les anciens grimoires hostiles aux juifs, lesquels
abusaient et déformaient ce mot venu du grec qui signifiait « citoyen du
monde ». M. Péan en fut étourdi, mais, sachant sa probité, des
gazetiers prirent sa défense, alors l’affaire d’Orsay devint l’affaire Péan,
et, au bout d’un temps, se dégonfla. Le comte put continuer à placer des
proches dans les ambassades ou dans son cabinet ; il suggéra même à Sa
Majesté le nom de la comtesse d’Orsay pour qu’elle dirigeât des fenestrons
publics dépendant de son propre ministère ; ainsi fut-il.

Chapitre IV
     
    UN SOMBRERO SUR LE
NEZ. – L’ANTINICOLISME PRIMAIRE. – SEUL CONTRE TOUS. – MONTÉE DE
GROGNE. – SALAUDS DE JEUNES. – BREF APERÇU DU COMTE COPÉ. –
CAPRICE DU 1 er  AVRIL. – LA RENCONTRE DE STRASBOURG. –
UN NOUVEAU RÔLE POUR MADAME. – M. DE CHARON, PREMIER VALET DE
CHAMBRE. – POTINS ET POPOTINS EN ESPAGNE.
     
     
      N OTRE C ÉLESTE L EADER RESSENTAIT l’ingratitude des
travailleurs pauvres à son égard, parce qu’il se penchait fort peu sur leurs
douleurs. En chemin, il avait compris qu’un licencié n’était point forcément
celui qui avait décroché un diplôme de l’Université mais aussi celui que son
patron avait eu la licence de congédier. Des centaines de milliers de gens
vivaient au rabais. Ils récupéraient les meubles défectueux laissés dans la
rue, volaient des salades dans les jardins, n’achetaient plus que les bas
morceaux et retournaient à une cuisine de guerre à base de restes, cœur de bœuf
ou langue de cheval. Des vendeurs de mode le jour dormaient la nuit dans leurs
voitures faute de sous pour la location d’un taudis ; si les accidents de
la route baissaient, ce fut à cause du coût des carburants plus que des
gendarmes.
    Averties de ces réalités, Leurs Majestés cachaient mieux
leur vie privée et commandaient la plus totale discrétion quant à leurs voyages
de délassement, lesquels ne devaient plus outrager la masse qui n’avait même
pas les moyens d’aller voir la mer. Lorsque le couple impérial, au début du
mois de mars, s’envola pour l’Amérique centrale, la consigne avait été donnée
de ne rien révéler sur cette escapade, mais la langue de Madame fourcha lors d’une
fête de charité au pavillon d’Armenonville : « Ce soir, dit-elle, je
pars pour le Mexique. » La gaffe propagea la rumeur et les paparazzi se
mirent à l’affût du Yucatán à Acapulco. Ce ne fut qu’après le voyage qu’on

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