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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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visiblement soulagés d’être enfin dans les eaux territoriales anglaises, observèrent le va-et-vient des énormes cogghes, bateaux de guerre et de commerce. Ils débarquèrent au crépuscule, se faufilant entre les coques impressionnantes de deux navires marchands de fort tonnage. Corbett offrit de l’or à Griffith. Le Gallois l’accepta sans un mot de remerciement, laissa tomber les sacoches sur les pavés du quai et retourna à son embarcation.
    Ranulf était fou de joie à l’idée de n’être plus à Neath. Corbett partageait son soulagement, mais cela ne compensait guère la souffrance de la séparation et la frustration de voir une mission si périlleuse aboutir à de si piètres résultats. Ils reprirent leurs sacoches et se frayèrent un passage sur le quai fort encombré. Il y avait là des Portugais basanés et trapus aux boucles d’oreilles incrustées d’or ou de perle, d’arrogants marchands de la Hanse, vêtus de noir et coiffés d’onéreux bonnets en poil de castor, des gens venant de Flandre, de Rhénanie, du Hainaut, de Gênes... toute une variété de modes étrangères et de langues qui rappelèrent à Corbett le récit biblique de la tour de Babel. Il faisait chaud ; la tête lui tournait et il ne se sentait pas encore ferme sur ses jambes, après ces journées passées dans la barque à ingurgiter de l’eau croupie et du poisson salé.
    Ils quittèrent le quai, Corbett arrachant Ranulf au spectacle d’un sinistre gibet à trois potences, chargées chacune du corps d’un écumeur du fleuve, pourrissant sous le soleil d’été, et condamné à se balancer là le temps de sept marées. Puis ils atteignirent la ville et l’immense place du marché, toute pavée, où, pour l’heure, les marchands s’affairaient à enlever piquets, éventaires et auvents à rayures sous l’oeil vigilant des officiers du marché.
    Des ivrognes hilares, beuglant encore leurs chansons, étaient emmenés cuver leur bière vers le long pilori, situé sur une estrade au fond de la place. Un colporteur, espérant faire encore des affaires, hélait le chaland d’une voix éraillée et proposait ses épingles, aiguilles, rubans et colifichets. Un voleur, assis près d’un énorme abreuvoir, était lapidé d’immondices. Des chats et des chiens s’affrontaient sur des tas de détritus, des chariots s’éloignaient lourdement, butant sur les pavés, leurs conducteurs et leur famille avachis, épuisés après une journée de tractations ardues.
    Corbett et Ranulf observaient toute cette agitation, si différente de l’étrange et déconcertante routine du château de Neath. Affamé, Ranulf lorgnait vers les tavernes. Corbett lui ordonnait sèchement de presser le pas, tout en se demandant ce que Maeve était en train de faire. Arrivés au bout de la place du marché, ils s’engagèrent dans un dédale de rues où de hautes maisons à colombages s’élevaient au-dessus de leur tête comme des arbres. Corbett avait déjà décidé de l’endroit où ils s’arrêteraient. Il poussa un cri de soulagement quand ils sortirent des rues pour prendre un chemin défoncé menant à un prieuré augustinien.
    Il connaissait vaguement le prieur, et cela, ajouté aux lettres et ordres de mission du roi, leur assurerait, il en était sûr, un bon accueil. Il ne fut pas déçu : un frère lai âgé et souriant les conduisit dans la sévère hostellerie et leur apporta des pichets de bière en murmurant que le prieur viendrait les voir aussitôt les vêpres achevées. Il s’assit ensuite en face d’eux et les regarda boire leur bière avec des hochements de tête bienveillants.
    Enfin les cloches sonnèrent à toute volée, et le prieur entra d’un pas décidé. Il donna l’accolade à Corbett, emprisonna la main de Ranulf dans les siennes et leur accorda immédiatement la permission de passer la nuit au prieuré. Les murs de leurs deux cellules exiguës luisaient encore des couches de chaux dont on venait de les enduire. Ils firent leurs ablutions, partageant la vaste baignoire située dans la buanderie du monastère, changèrent leurs capes trempées et incrustées de sel et se rendirent au réfectoire.
    Ensuite, Ranulf décida d’aller se promener dans les jardins pour profiter – dit-il en imitant insolemment son maître – de la douceur de la brise vespérale ; il sortit donc d’une démarche nonchalante, faisant délibérément la sourde oreille lorsque Corbett lui enjoignit de ranger leurs affaires.

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