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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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de travail pour une bouche de plus. Trois, se reprit-il en songeant à Anne et à son bout de chou.
    — Et voici Amandine…
    La petite lui tourna le dos et refusa de le saluer. Elle méritait une remarque, mais ni son père ni sa mère ne le firent. Bien au contraire, ils se mirent à rire. Ce bourru de Paulon en fut vexé et Marguerite le comprit.
    — Auriez-vous de la place pour cette grande famille, même si elle compte une enfant un peu mal élevée ? lança-t-elle aussitôt.
    Paulon en a forcément trouvé.

    Marguerite s’est donc enfin enhardie à retrouver le cocon des maîtres-maçons, et la présence de sa fille compte pour beaucoup dans sa décision. Anne est revenue, accompagnée de Léon et d’Amandine. Pour tout dire, Paulon trouve ce prénom étrange et trop original 4 , mais, en mettant de côté son fichu caractère, il reconnaît que cette gamine le porte à merveille. Ses yeux gris-bleu, rehaussés de longs cils, ont la forme ovoïde du fruit de l’amandier. Elle semble timide, sauvage, peut-être. Qui ne serait pas effrayé par le monde bruyant et joyeux qui l’entoure et se presse maintenant autour de Marguerite. Cette femme se détache, attire les regards, accroche ceux des hommes. À coup sûr, elle rendrait heureux un de ces gaillards.
    Le veut-elle ? Si on lui lance des regards doux, évoque le futur, soupire en lui assurant que le sien, mêlé à celui d’un autre, à celui qui en parle, par exemple, pourrait être radieux, la veuve Pontgallet s’en amuse. Bien sûr, elle reconnaît que de telles attentions la flattent. Plus précisément, aime-t-elle que le dénommé Étienne Champs lui fasse la cour ? Ce maçon du roi est un sacré bel homme. Et, raconte-t-on, un coureur de jupons. Assagi, s’empresse-t-il d’ajouter, et décidé à se ranger si Marguerite lui disait oui. Il pense surtout à s’emparer de ce corps qui n’a connu aucune caresse depuis longtemps. Il veut souffler sur la braise encore vive. De fait, Marguerite s’imagine parfois avec Étienne Champs. Elle baisse les paupières, se souvient de la chaleur d’un homme, de la dureté de son corps, des mots dont elle usait autrefois pour freiner son ardeur. Elle se voit nue, indolente, offerte. Oui, le plaisir est là, à portée de celle, prête à succomber, découvrant qu’une joue s’est nichée dans son cou, descend sur l’épaule, qu’une bouche à présent baise ses seins, l’un après l’autre. Mais ses yeux se dessillent, la jouissance fuit, elle ne peut avoir d’amant. Ce serait tromper Nicolas. Étienne Champs s’évanouit de ces rêveries lascives.
    Serait-ce mieux, simplement possible, avec le gentil Pierre Maldonnier qui agit à l’inverse du premier ? Ce travailleur acharné se montre gauche avec elle. Et si prévenant. Son manque d’assurance en devient touchant. Le dimanche, il dépose un bouquet de fleurs à la porte de la maison de la rue de la Mortellerie, ne frappe pas et s’enfuit. Quand elle le croise à l’église Saint-Paul, Maldonnier la salue de loin ; c’est elle qui va au-devant de lui pour le remercier. Elle le croit capable de l’attendre jusqu’à la fin des temps sans prononcer un mot, sans émettre le moindre reproche. Mais que ferait-elle d’un homme soumis et silencieux, d’un poids qui viendrait troubler le silence de sa vie dans lequel niche toujours Nicolas ? Elle se souvient de la faconde de son mari, de sa manière de raconter ses journées, de lui donner envie d’être à demain. Et de réjouir ses nuits.
    Marguerite soupire. Il lui reste un troisième prétendant. Ce n’est ni pour la conversation ni pour l’amour qu’elle pourrait se décider, et la façon dont elle le voit est terriblement froide. Michel Falon prétend être riche et ne ment pas. De même, il ne promet pas de l’éblouir ou de la faire rire du matin au soir, d’être son Éros et, elle, son Aphrodite. Non ; il lui garantit la sécurité, le confort, d’assurer la survie de l’entreprise Pontgallet. En se forçant à la raison, Michel Falon pourrait l’emporter, mais la qualité a son défaut : on le dit pingre, vachard avec les locataires des cinq bâtisses qu’il possède au Quartier latin. De plus, il est gros et respire lourdement. Voilà peu, il lui a proposé une balade dominicale dans Paris. Soit. Il a marché des heures sans dire d’autres mots que : « Cette maison est à moi ; celle-là, bientôt. » Ce n’est pas lui qu’elle choisirait. D’ailleurs, en vérité,

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