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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Quirico, non loin de Pise, après avoir longé la via Aemilia Scaura construite en bord de mer par les Romains. Et il y avait de quoi rêver en s’imaginant l’infinie beauté des rayons argentés du soleil miroitant dans le clapot de l’eau avant de s’évanouir à l’ouest, où cent mille livres l’attendraient. Mais avant le bouquet final, il lui faudrait piquer sur la gauche et entrer au cœur de la belle Toscane.
    Une balade printanière dans ce pays avait de quoi ravir l’esprit le plus insensible aux merveilles de la création. Qu’en serait-il chez un poète où sommeillait l’âme de l’artiste ? expliqua Toussaint. Il était possible qu’Antoine tombe amoureux des paysages, de ces tableaux pittoresques où dominait un camaïeu de vert, de ces jours passés en bras de chemise tant l’air restait chaud, de la beauté ahurissante de la lumière à nulle autre pareille. Delaforge répétait ce qu’il avait entendu ici et là. Avant d’être rassasié par ce spectacle idyllique, continuait-il, le bienheureux voyageur atteindrait Monte San Quirico, situé dans les montagnes. Son mentor le conduirait alors à l’église aux fins d’une entrevue discrète avec le rabatteur de statues. Antoine n’aurait qu’à vérifier leur authenticité.
    — Et aucun autre que vous ne pourrait mieux en juger…
    Le flagorné se garda de mettre en cause les qualités qu’on lui attribuait car, désormais, il ne songeait qu’à partir et oublia de préciser que ses connaissances se limitaient à l’étude de dessins dont le souvenir confus et lointain lui interdisait d’affirmer avec certitude ce qui différenciait Vénus d’Aphrodite ou de Turan 1 .
    — Fichtre ! Vous en parler me donne envie ! s’enflamma Delaforge. Je suis tenté de prendre votre place… Alors, qu’en pensez-vous ?
    La décision fut entérinée en apprenant que la mission s’achevait par un retour sur Paris muni d’un droit à circuler librement sur terre et sur l’eau, sans avoir à payer de taxes – et donc, sans subir de contrôle – comme il était d’usage pour le transport de matériaux destinés au roi. Le passe-droit venait de la construction de Versailles. Le roi réclamait du marbre, des arbres, du cuivre, du fer… et, pour amoindrir le coût du transport, ordonnait l’abolition des impôts réclamés par les villes et les ports de passage. C’était un passeport, en somme. La garantie de l’immunité. Antoine remonterait sur Paris avec une cargaison annoncée comme du marbre d’Italie. Personne n’oserait soulever la bâche d’un convoi destiné à Sa Majesté.
    Oui, cent mille livres, pour une promenade champêtre au pays des anciens Romains, c’était sacrément bien payé. Et Antoine accepta en se félicitant de la confiance qu’on lui accordait.

    Depuis le 12 mai 1664, Antoine de Voigny s’enfonce dans les méandres labyrinthiques du rapatriement d’œuvres conçu par son commanditaire. Le voici, fin du mois, à Toulon. Il se rend sur le port où l’attend Marcelius Spoza, le capitaine sarde d’une corvette de charge, qu’on appelle également une flûte dans la marine hollandaise, nom venant du fait que le pont du navire a été débarrassé de l’armement en canons pour augmenter la cargaison. La Cardinala , baptisée ainsi, semble solide et, bonne surprise, la propreté règne à bord. Dix hommes sont à la manœuvre et s’apprêtent à hisser les grands-voiles carrées du trois-mâts. Spoza parle peu. Il veut partir, bougonne qu’ils ont deux jours de retard. Eh quoi ! Antoine a pris son temps. Des statues, par deux fois presque millénaires, peuvent attendre un peu. Le Sarde ne répond rien. Ce jeune homme emprunté n’a guère la tête de l’emploi, mais il a les dix mille livres promises en échange de la livraison. La mer, c’est son sujet, le reste, il s’en moque. Spoza hausse donc les épaules et rompt quand son pilote, un mulâtre, torse nu, le réclame. Le bateau est difficile à la manœuvre et les courants viennent s’ajouter à un vent de travers. La sortie du port réclame de l’attention, rançon d’un faible tirant d’eau qui permettra d’accoster non loin de Boccadasse, un petit port de pêche au sud de Gènes.
    Partie à huit heures , La Cardinala laisse à bâbord les îles d’Hyères, peu après midi. Ensuite, cap à l’est. Vent régulier et mer peu formée, la traversée s’annonce idéale. Dans ce cas pourquoi Marcelius Spoza se montre-t-il tendu, inquiet ?

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