Un long chemin vers la liberte
université du Witwatersrand, où il avait été reçu premier à ses examens, avant les fils et les filles des Blancs privilégiés. Tandis qu ’ on citait les titres de Conco, j ’ eus l ’ impression très nette que le juge Kennedy, également originaire du Natal, semblait fier. Les gens du Natal sont connus pour leur attachement à leur région et parfois ces liens particuliers peuvent même transcender la couleur. En fait, beaucoup de gens du Natal se considéraient comme des Zoulous blancs. Le juge Kennedy m ’ avait toujours paru un honnête homme et je sentais que, grâce à l ’ exemple de Wilson Conco, il commençait à nous considérer non plus comme des fauteurs de troubles irresponsables mais comme des hommes animés d ’ ambitions respectables qui pouvaient aider le pays si le pays les aidait. A la fin de la déposition de Conco, alors qu ’ on le citait pour un exploit médical, Kennedy dit en zoulou, langue qu ’ il parlait couramment : « Sinjalo thina maZulu », ce qui signifie : « Nous, les Zoulous, nous sommes comme ça. » Le Dr. Conco fut un témoin calme et précis qui réaffirma l ’ engagement de l ’ ANC dans la non-violence.
Le témoin suivant était le chef Luthuli. Avec sa dignité et sa sincérité habituelles, il fit une profonde impression sur la cour. Il souffrait de tension artérielle et le tribunal accepta de ne siéger que le matin pendant son audition. Sa déposition dura plusieurs jours et son contre-interrogatoire près de trois semaines. Il souligna avec soin l ’ évolution de la ligne politique de l ’ ANC, en disant les choses simplement et clairement, et ses anciennes fonctions de professeur et de chef ajoutèrent une gravité et une autorité supplémentaires à ses paroles. Chrétien très pieux, il était la personne idéale pour expliquer comment l ’ ANC souhaitait sincèrement une harmonie entre les races.
Le chef affirma qu ’ il croyait en la bonté innée de l ’ homme et il pensait que la persuasion morale et la pression économique pouvaient très bien entraîner un changement dans le cœur d ’ une partie des Sud-Africains blancs. En expliquant la politique de non-violence de l ’ ANC, il insista sur le fait qu ’ il y avait une différence entre la non-violence et le pacifisme. Les pacifistes refusaient de se défendre même quand on les attaquait avec violence, mais ce n ’ était pas nécessairement le cas avec ceux qui avaient choisi la non-violence. Parfois, les hommes et les nations, même non violents, devaient se défendre quand on les attaquait.
Tout en écoutant Conco et Luthuli, je me disais que les juges, sans doute pour la première fois de leur vie, écoutaient non pas leurs domestiques, qui ne disaient que ce que leurs maîtres aimaient leur entendre dire, mais des Africains indépendants et clairs, exprimant leurs convictions politiques et comment ils espéraient les réaliser.
L ’ avocat Trengrove mena le contre-interrogatoire et essaya obstinément de lui faire dire que les communistes dominaient l ’ ANC qui avait une politique double, un discours non violent destiné au public et un plan secret pour lancer une révolution violente. Le chef repoussa fermement tout ce que suggérait Trengrove. Lui-même était un exemple de modération, en particulier quand Trengrove semblait s ’ énerver. A un moment, Trengrove accusa le chef d ’ hypocrisie. Ce dernier ignora la calomnie et fit calmement remarquer au président : « Monsieur le président, je crois que l ’ accusation perd la tête. » Mais le 21 mars 1960, le témoignage du chef fut interrompu par un événement terrible qui venait de se passer à l ’ extérieur. Ce jour-là, le pays fut tellement ébranlé que lorsque le chef Luthuli revint témoigner un mois plus tard, le tribunal – et avec lui toute l ’ Afrique du Sud – n ’ était plus le même.
33
La conférence annuelle de décembre 1959 se tint à Durban pendant les manifestations contre le pass, qui avaient lieu dans la ville. La conférence vota à l ’ unanimité l ’ organisation d ’ une campagne massive contre le pass ; elle aurait lieu dans tout le pays et commencerait le 31 mars pour s ’ achever le 26 juin avec un immense feu de passes.
L ’ organisation de la campagne commença immédiatement. Le 31 mars, des délégations furent envoyées auprès des autorités locales. Des responsables de l ’ ANC allèrent dans tout le pays pour parler de la
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