Un long chemin vers la liberte
industrialisation rapide, démocratisé l’éducation, et bâti une armée moderne. Beaucoup de ces réformes étaient précisément ce que l’ANC espérait réaliser un jour. Cependant, à l’époque, pour nous, il était plus important que l’Egypte soit le seul Etat africain avec une armée de terre, une marine et une aviation qu’on pouvait comparer à celles de l’Afrique du Sud.
Le lendemain, Oliver s’en alla pour Londres, en me promettant de nous rejoindre au Ghana. Avant de partir, Robbie et moi avons discuté de la présentation que nous ferions dans chaque pays. Je penchais pour une explication de la situation politique de façon aussi vraie et aussi objective que possible sans omettre les réalisations du PAC. A chaque nouvelle étape, je m’enfermais dans notre hôtel pour me familiariser avec les informations sur la politique, l’histoire et le gouvernement du pays. Robbie faisait le contraire. Naturellement extraverti, il quittait l’hôtel dès que nous arrivions, se promenait dans les rues, et se renseignait en regardant et en parlant avec les gens. Nous formions un couple étrange, car habitué pendant la clandestinité aux tenues négligées, je portais des treillis alors que Robbie avait toujours des costumes élégants.
A Tunis, notre première étape, nous avons rencontré le ministre de la Défense, qui ressemblait étonnamment au chef Luthuli. Mais, j ’ en ai peur, la ressemblance s ’ arrêtait là, car pendant que je lui expliquais la situation dans notre pays, avec des responsables comme Robert Sobukwe en prison, il m ’ a interrompu pour me dire : « Quand ce type va sortir, il va tous vous liquider ! » Robbie a levé les sourcils (plus tard, il m ’ a dit : « Tu défendais mieux la cause du PAC qu ’ eux-mêmes ! ») mais j ’ ai insisté pour faire un tableau complet au ministre. Le lendemain, quand nous avons rencontré le président Habib Bourguiba, sa réponse a été entièrement positive et immédiate : il a offert d ’ entraîner nos soldats et 5 000 livres pour acheter des armes.
Rabat, au Maroc, avec ses murs anciens et mystérieux, ses boutiques élégantes et ses mosquées médiévales, m’est apparu comme un mélange d’Afrique, d’Europe et de Moyen-Orient. Apparemment, les combattants pour la liberté pensaient de même, car Rabat était le carrefour de presque tous les mouvements de libération du continent. Nous y avons rencontré des combattants du Mozambique, d’Angola, d’Algérie et du Cap-Vert. Le quartier général de l’armée révolutionnaire algérienne s’y trouvait aussi et nous avons passé plusieurs jours avec le Dr. Mustafa, le chef de la mission algérienne au Maroc, qui nous a parlé de la résistance algérienne aux Français.
La situation en Algérie était pour nous le modèle le plus proche du nôtre parce que les rebelles affrontaient une importante communauté de colons blancs qui régnait sur la majorité indigène. Le Dr. Mustafa nous a raconté comment le FLN avait commencé la lutte avec quelques attentats en 1954, ayant été encouragé par la défaite des Français à Diên Biên Phu, au Vietnam. Au début, le FLN croyait pouvoir vaincre les Français militairement, nous a dit le Dr. Mustafa, puis il s’est rendu compte qu’une victoire purement militaire était impossible.
Les responsables du FLN ont donc eu recours à la guerre de guérilla. Il nous a expliqué que ce genre de guerre n’avait pas comme objectif de remporter une victoire militaire mais de libérer les forces économiques et politiques qui feraient tomber l’ennemi. Le Dr. Mustafa nous a conseillé de ne pas négliger le côté politique de la guerre tout en organisant les forces militaires.
L’opinion publique internationale, nous a-t-il dit, vaut parfois plus qu’une escadrille d’avions de combat à réaction.
Au bout de trois jours, il nous a envoyés à Oujda, une petite ville poussiéreuse près de la frontière algérienne, et quartier général de l’armée du FLN au Maroc. Nous avons visité une unité sur le front ; à un moment j’ai pris une paire de jumelles et j’ai vu des soldats français de l’autre côté de la frontière. J’avoue que j’ai pensé voir les uniformes des forces de défense sud-africaines.
Un ou deux jours plus tard, j’ai été invité à un défilé militaire en l’honneur d’Ahmed Ben Bella, qui allait devenir le premier Premier ministre de l’Algérie
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