Un long chemin vers la liberte
actuellement condamné et prisonnier et je purge une peine de cinq ans de prison pour avoir quitté le pays sans autorisation et avoir incité des gens à faire grève, fin mai 1961.
Je reconnais tout de suite que je suis une des personnes qui ont participé à la création d’Umkhonto we Sizwe et que j’ai joué un rôle éminent dans ses activités jusqu’à mon arrestation en août 1962.
Pour commencer, je tiens à affirmer que l’allégation de l’accusation selon laquelle la lutte en Afrique du Sud est sous l’influence d’étrangers ou de communistes est tout à fait fausse. Tout ce que j’ai fait, en tant qu’individu et en tant que responsable de mon peuple, je l’ai fait en fonction de mon expérience de l’Afrique du Sud, et de mon passé d’Africain dont je suis fier, et non parce que quelque étranger me l’aurait dit.
Dans ma jeunesse au Transkei, j’écoutais les anciens de ma tribu raconter les histoires du passé. Parmi leurs récits, il y avait ceux des guerres menées par nos ancêtres pour défendre la patrie. Les noms de Dingane et de Bambatha, de Hintsa et de Makana, de Squngthi et de Dalasile, de Moshoeshoe et de Sekhukhune étaient célébrés comme l’honneur et la gloire de toute la nation africaine. J’espérais alors que la vie m’offrirait la possibilité de servir mon peuple et d’apporter mon humble contribution à sa lutte de libération. Cela a déterminé tout ce que j’ai fait et qui est en relation avec les accusations portées contre moi dans ce procès.
Après avoir dit cela, je dois aborder maintenant et un peu longuement la question de la violence. Certaines des choses dites devant la cour sont vraies et d’autres fausses. Cependant, je ne nie pas avoir organisé des sabotages. Je ne l’ai pas fait avec témérité ou parce que j’avais un quelconque amour de la violence. Je l’ai fait après avoir analysé calmement et simplement la situation politique qui est apparue après de nombreuses années de tyrannie, d’exploitation et d’oppression de mon peuple par les Blancs.
Je voulais faire comprendre à la cour que nous n’avions pas agi de façon irresponsable, sans penser aux conséquences qu’impliquait le choix de l’action violente. J’insistai particulièrement sur notre volonté de ne causer aucune perte de vie humaine.
Nous, membres de l’ANC, nous avons toujours défendu une démocratie non raciale et nous avons toujours refusé toute action qui pouvait séparer les races plus qu’elles ne l’étaient déjà. Mais la dure réalité, c’est que cinquante années de non-violence n’ont rien apporté d’autre aux Africains qu’une législation plus répressive et de moins en moins de droits. Peut-être n’est-il pas facile pour ce tribunal de comprendre, mais il est vrai que pendant longtemps les gens ont parlé de violence – du jour où ils combattraient l’homme blanc et le vaincraient pour retrouver leur pays – et nous, les responsables de l’ANC, nous les avons toujours convaincus d’éviter la violence et d’employer des moyens pacifiques. Alors que nous parlions de cela en mai et juin 1961, on ne pouvait nier que notre politique visant à créer un Etat non racial par la non-violence n’avait abouti à rien et que nos compagnons commençaient à perdre confiance en cette politique et avaient des idées inquiétantes de terrorisme […].
Umkhonto a été créé en novembre 1961. Quand nous avons pris cette décision et qu’ensuite nous avons élaboré nos plans, nous conservions toujours l’héritage de non-violence et d’harmonie entre les races de l’ANC. Nous avions l’impression que le pays glissait vers une guerre civile dans laquelle s’affronteraient Blancs et Noirs. Nous considérions la situation avec angoisse. La guerre civile aurait signifié la destruction de ce que l’ANC défendait ; avec la guerre civile, la paix entre les races serait plus que jamais difficile à atteindre un jour. Nous avions déjà des exemples dans l’histoire de l’Afrique du Sud de ce que donne une guerre. Il a fallu plus de cinquante ans pour que disparaissent les cicatrices laissées par la guerre des Boers . Combien faudrait-il de temps pour effacer les cicatrices d’une guerre civile entre races, qui ne pourrait avoir lieu sans des pertes considérables de chaque côté ?
J’ai expliqué que le sabotage offrait le meilleur espoir pour les relations futures entre races. La réaction des
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