Un long chemin vers la liberte
dirigeants blancs à nos premières tentatives a été rapide et brutale : ils ont déclaré que le sabotage était un crime passible de la peine de mort. J’ai dit que nous ne voulions pas la guerre civile mais devions nous y préparer.
L’expérience nous a convaincus que la révolte offrirait au gouvernement des occasions infinies pour un massacre aveugle de notre peuple. Mais c’est précisément parce que la terre d’Afrique du Sud est déjà imbibée du sang d’Africains innocents que nous avons senti qu’il était de notre devoir de nous préparer à long terme afin d’utiliser la force pour nous défendre contre la force. Si la guerre était inévitable, nous voulions que le combat soit conduit dans les termes les plus favorables pour notre peuple. Et le combat qui nous offrait les meilleures perspectives et qui comportait le moins de risques pour la vie des deux côtés était la guerre de guérilla. En conséquence, nous avons décidé, en nous préparant pour l’avenir, de prévoir la possibilité de la guerre de guérilla.
Tous les Blancs suivent une formation militaire obligatoire, mais un tel entraînement est refusé aux Africains. Nous considérions comme essentiel de constituer un noyau d’hommes entraînés capables d’assurer la direction qui deviendrait nécessaire si une guerre de guérilla éclatait. Nous devions nous préparer pour une telle situation avant qu’il ne soit trop tard.
J’ai expliqué qu’à ce stade de nos discussions j’avais quitté le pays pour assister à la conférence du PAFMECSA, et suivre un entraînement militaire. J’ai dit que j’avais suivi cet entraînement parce que, s’il devait y avoir une guerre de guérilla, je voulais être capable de lutter à côté de mon peuple. Même ainsi, j’ai cru que les possibilités offertes par le sabotage n’étaient pas du tout épuisées et qu’on devait les poursuivre avec vigueur.
J’ai parlé à la cour de la division entre la ligne de l’ANC et celle de MK, et comment nous avions sincèrement tenté de garder les organisations séparées. Telle était notre politique, mais dans la pratique, ce n’était pas si simple. A cause des interdictions et des emprisonnements, les gens devaient souvent travailler dans les deux organisations. Bien que cette situation ait pu parfois brouiller la distinction, elle ne l’avait pas abolie. J’ai contesté les allégations de l’accusation selon lesquelles les buts et les objectifs de l’ANC et du Parti communiste ne faisaient qu’un.
Le credo idéologique de l’ANC est, et a toujours été, le nationalisme africain. Ce n’est pas la conception du nationalisme africain exprimée dans le cri « Les Blancs à la mer ! ». Le nationalisme africain que défend l’ANC, c’est une conception de liberté et d’accomplissement pour le peuple africain sur sa terre. Le document politique le plus important jamais adopté par l’ANC est la Charte de la liberté. Ce n’est en aucun cas un projet d’Etat socialiste… A aucune période de son histoire l’ANC n’a défendu un changement révolutionnaire dans la structure économique de ce pays et il n’a jamais non plus, autant que je m’en souvienne, condamné la société capitaliste… Contrairement au Parti communiste, l’ANC n’admettait que des Africains parmi ses membres. Son objectif principal était, et est toujours, que le peuple africain obtienne l’unité et des droits politiques entiers. D’autre part, le principal objectif du Parti communiste était de supprimer les capitalistes et de les remplacer par un gouvernement de la classe ouvrière. Le Parti communiste cherchait à renforcer les distinctions de classes alors que l’ANC cherche à les concilier.
Il est vrai qu ’ il a souvent existé une étroite coopération entre l ’ ANC et le Parti communiste. Mais la coopération ne prouve qu ’ un but commun – dans ce cas la fin de la suprématie blanche – et non une entière communauté d ’ intérêts. L ’ histoire du monde fourmille d ’ exemples semblables. L ’ illustration la plus frappante en est peut-être la coopération entre la Grande-Bretagne, les Etats-Unis d ’ Amérique et l ’ Union soviétique dans la lutte contre Hitler. Personne, sauf Hitler, n ’ aurait osé suggérer qu ’ une telle coopération faisait de Churchill ou de Roosevelt des communistes ou des instruments des communistes, ni que la Grande-Bretagne et l ’ Amérique
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