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Un long dimanche de fiancailles

Un long dimanche de fiancailles

Titel: Un long dimanche de fiancailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sébastien Japrisot
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probablement la même chose,
mais il a répondu que les ordres étaient les ordres,
que La Trouille devait avoir ses raisons et que les choses sont
ainsi.

    Bien
des années plus tard, quand il arrivera à Mathilde de
penser à Célestin Poux - ce qui sera somme toute aussi
fréquent que de penser à sa propre jeunesse -, ce
qu'elle reverra de lui en premier sera ses cheveux blonds et les deux
gros ronds de peau rose, bien propres, qu'il gardait autour de ses
yeux bleus en débarquant, ce dimanche d'août, à
MMM. Le reste de son visage n'était que poussière
noire. Ilavait roulé sur sa moto
toute la nuit et presque tout le jour, dormant à peine,
mangeant à peine, ne s'arrêtant qu'aux fontaines des
villages pour étancher sa soif, dans la seule idée de
venir plus vite jusqu'à elle. Le télégramme qui
devait annoncer son arrivée n'est parvenu à Mathilde
que le lendemain :

    Ai
déniché le seul des poux de la guerre vous intéressant.
Stop. Vous l'envoie à la grâce de Dieu et des moteurs
Triumph. Stop. Mes frais en plus évidemment.
    Signé :
Germain Pire.

    Quelques
jours après, le cher homme racontera sans vanité à
Mathilde comment il a mis la main sur l'une au moins de ses deux
proies insaisissables.
    Une
amazone de ses amies - et même, en un temps, attachée à
lui par d'autres liens que l'amitié,- conduisant sa propre
auto, est en route pour rejoindre son époux à
Saint-Quentin. Elle a un pneu crevé dans la forêt de
Compiègne. Plutôt que de salir ses gants, elle attend
que quelqu'un passe. Un maraîcher qui retourne chez lui consent
à changer sa roue. Elle repart, le nez au vent, mais sitôt
sort-elle de la forêt, le pneu de secours, sans doute mal
gonflé, l'abandonne aussi. Heureusement, elle se trouve dans
un hameau. Malheureusement, on lui apprend que le garage le plus
proche est à sept kilomètres, sur la route de Noyon. La
devise de la dame est : “Si un
homme peut le faire, moi aussi. ” Et la voilà partie à
pied jusqu'au garage, où elle arrive épuisée,
brisée par la chaleur, plus qu'à moitié
dépoitraillée. Heureusement, le commis qui la reçoit
est un charmant garçon, il lui apporte une chaise, un verre
d'eau. Malheureusement, le patron n'est pas là et on ne vend
pas de pneus. Si le patron était là pour le remplacer à
la pompe, le charmant jeune homme s'en irait tuer père et mère
pour qu'elle reparte, bien chaussée, avant la tombée du
jour, et il pense même qu'il n'aurait pas besoin d'être
orphelin.
    Bref,
l'amazone se retrouve à la pompe et le commis s'en va sur une
grosse moto. Il revient, après nombre d'aventures, avec la
voiture de la dame sur toutes ses roues et, comme elle s'extasie, le
patron entre-temps apparu lui déclare, avec un rien de fierté,
beaucoup de fatalisme : “Que voulez-vous, c'est Célestin
Poux. À la guerre, nous l'appelions
la terreur des armées." La dame ne peut faire moins,
ensuite, que de ramener le Célestin Poux à sa moto,
abandonnée à sept kilomètres. C'est le soir.
Elle n'aime pas conduire la nuit. Elle préfère coucher
à Noyon et rejoindre son époux le lendemain. Le plus en
plus charmant jeune homme la précède sur sa machine et
la conduit à une auberge de la ville. Là, elle ne peut
faire moins que de l'inviter à dîner, ce qu'il accepte,
et puisque les hommes ne se privent pas d'emmener qui leur plaît
dans leur lit, elle aussi.
    Selon
Germain Pire, qui recueille quelques jours plus tard, à Paris,
les confidences de son amie, la nuit fut délicieuse, mais il
n'en connaîtra jamais les détails, la dame parle encore
qu'il est déjà en route pour Noyon. Le soir même,
ayant mis au fait des choses le commis du garage, il envoie son
télégramme et du même élan, à la
grâce de Dieu et de sa moto, la terreur des armées dans
les Landes, les frais d'essence en plus évidemment. Célestin
Poux, de son propre aveu, n'en demandait pas davantage pour quitter
un endroit où il avait séjourné trop longtemps
et Hossegor, après tout, le rapprochait de sa chère île
d'Oléron.
    Arrivé
jusqu'à Mathilde, assise dans son fauteuil, en train de
portraiturer des petits chats qui ne tiennent pas en place plus que
lui, les présentations faites et avant tout autre discours, il
a désiré au moins se laver la figure. Mathilde a
demandé à Bénédicte de le conduire à
une salle de bains. Il y en a trois dans la baraque. Célestin
Poux a trouvé que la pompe du jardin était bien
suffisante, c'est tout juste s'il a

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