Un Monde Sans Fin
incendie.
Cherchant de l’aide, Caris aperçut sœur Mair. « Allez à
la cuisine et rapportez-moi une demi-pinte de vin et autant d’huile d’olive
dans deux récipients séparés, s’il vous plaît. Faites-les chauffer, mais pas
trop. » Mair partit.
Puis Caris s’adressa à l’enfant : « Minnie, il
faut que tu arrêtes de crier, s’il te plaît. Je sais que ça fait mal, mais il
faut que tu m’écoutes. Je vais te donner quelque chose qui apaisera la
douleur. » Les hurlements s’espacèrent pour céder la place à des sanglots.
Nellie revint avec l’essence réclamée. Caris versa un peu de
cette mixture dans une cuiller et la fit absorber à Minnie, l’obligeant à
desserrer les dents en lui bouchant le nez. L’enfant avala la potion et
recommença à crier. Au bout d’une minute, les hurlements diminuèrent.
« Une serviette propre, s’il vous plaît ! »
lança Caris à Nellie. On en utilisait une grande quantité à l’hospice et Caris
exigeait que l’armoire derrière l’autel en soit toujours pourvue.
Mair revint de la cuisine avec l’huile et le vin demandés.
Caris étendit une serviette par terre à côté de la paillasse de Minnie et posa
délicatement dessus le bras brûlé. « Comment tu te sens ?
l’interrogea-t-elle.
— J’ai mal », pleura Minnie.
Caris hocha la tête d’un air satisfait. C’étaient les
premiers mots cohérents que prononçait la petite fille depuis son arrivée. Le
pire était passé.
Le chanvre commençait à faire son effet, Minnie papillotait
des yeux. « Je vais appliquer un onguent sur ton bras. Essaye de ne pas
remuer, tu veux bien ? »
Minnie acquiesça.
Caris versa un peu de vin chaud sur le poignet de Minnie, là
où la brûlure était superficielle. L’enfant battit des paupières et fit de son
mieux pour ne pas retirer son bras. Encouragée par ce succès, Caris fit
remonter lentement la bouteille le long du bras vers l’endroit où la brûlure
était la plus profonde. Le vin avait pour but de nettoyer la blessure, l’huile
d’olive d’adoucir la peau et de protéger les chairs des humeurs mauvaises qui
stagnaient dans l’air. Finalement, elle enroula un tissu propre autour du bras
de l’enfant pour le protéger des mouches.
Minnie gémissait, à demi endormie. Caris la regarda avec
anxiété. Son visage était marbré de plaques rouges, ce qui était bon signe. Si
la petite fille avait perdu ses couleurs, cela aurait signifié que la dose
était trop forte. Caris n’était jamais sûre d’elle quand elle employait ses
remèdes. Il n’était pas possible d’en connaître précisément l’efficacité à
l’avance, tout dépendait de la préparation. Si le remède n’était pas assez
fort, il restait sans effet, et s’il était trop puissant, il pouvait être
dangereux, surtout pour les enfants. Poussés par l’inquiétude, les parents
insistaient toujours pour que l’on donne des doses fortes à leurs enfants.
Ce fut ce moment que choisit frère Joseph pour faire son
entrée. Il frisait maintenant la soixantaine, un âge avancé, et il avait perdu
toutes ses dents. Néanmoins il avait toujours le titre de médecin-chef du
prieuré. À sa vue, Christophe le Forgeron bondit sur ses pieds. « Oh,
frère Joseph ! Dieu merci, vous voilà ! Ma petite fille s’est
atrocement brûlée.
— Regardons ça ! » répondit le moine.
Caris s’effaça, ravalant son irritation. Tout le monde
croyait les moines tout-puissants, capables d’accomplir des miracles. On ne prêtait
aux sœurs que la capacité de nourrir les malades et de les laver. Caris avait
cessé depuis longtemps de lutter contre cette croyance, mais elle n’en avait
toujours pas pris son parti.
Joseph retira le pansement et regarda la blessure, appuyant
avec ses doigts sur le bras de l’enfant. Minnie gémit dans son sommeil.
« Une vilaine blessure, mais ce n’est pas mortel ! » Se tournant
vers Caris, il ajouta : « Appliquez-lui un cataplasme fait pour trois
parts de graisse de poulet, trois parts de crottin de chèvre et une part de
plomb. Cela fera sortir le pus.
— Oui, mon frère », acquiesça Caris en n’en
pensant pas moins. Elle avait remarqué qu’un grand nombre de blessures
guérissaient parfaitement sans présence de pus, contrairement à l’idée chère
aux moines que le pus était un signe de bonne santé. Par expérience
personnelle, elle savait que de tels traitements risquaient fort d’aggraver le
mal au
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