Un Monde Sans Fin
est parti.
— Tu m’en vois désolé.
— Je suis toute seule pour tenir la maison, mon père
est en pèlerinage à Cantorbéry.
— J’aimais bien ton père.
— Oh, il te le rendait bien ! Il a toujours
apprécié les hommes qui avaient quelque chose dans le crâne. Il n’avait pas une
passion pour mon Richard.
— Ah. » La conversation prenait un tour un peu
trop personnel au goût de Merthin, qui s’empressa de demander à Bessie si elle
avait des nouvelles de ses parents.
« Ils ne sont pas en ville, mais à Tench, chez ton
frère, dans son nouveau manoir. »
Merthin avait appris par Buonaventura que Ralph avait été
nommé seigneur de Tench. « Mon père doit en être très heureux.
— Il est fier comme un paon, tu veux dire ! Mais
je parle, je parle, alors que tu dois mourir de faim et de fatigue !
ajouta-t-elle en souriant. Je vais demander aux garçons de monter tes bagages
et je t’apporte une chope de bière et du potage. » Sur ces mots, elle
partit.
« C’est gentil, mais...»
Elle s’arrêta sur le seuil.
« J’ai une course à faire. Si tu pouvais donner du
potage à Lolla, je t’en serais très reconnaissant.
— Naturellement. Tu veux bien venir avec tante
Bessie ?
J’imagine que tu mangerais volontiers un quignon de pain,
n’est-ce pas ? Tu aimes le pain frais, dis-moi ? »
Merthin traduisit la question en italien. Lolla hocha la
tête joyeusement.
Bessie releva les yeux vers Merthin. « Tu vas voir sœur
Caris ? »
Pour une raison absurde, il se sentit coupable. « Oui,
répondit-il. Elle est donc toujours ici ?
— Oh oui ! Elle est sœur hôtelière, maintenant.
C’est elle qui dirige l’hospice. Je serais surprise qu’elle ne devienne pas
prieure un jour. » Elle prit Lolla par la main et se dirigea vers
l’arrière-salle, jetant par-dessus son épaule : « Bonne
chance ! » à Merthin. Pour étouffante qu’elle soit, l’affection de
Bessie était sincère ; son accueil chaleureux avait réchauffé le cœur du
voyageur.
Il sortit dans la rue et franchit le portail du prieuré. À
quelques pas de l’entrée, il s’arrêta pour admirer la cathédrale vieille de
presque deux cents ans et toujours aussi inspirante.
Sur la gauche de l’édifice, près de la façade nord, au-delà
du cimetière, se dressait un nouveau bâtiment en pierre de deux étages. Il
s’élevait non loin de l’endroit où se trouvait jadis la maison du prieur, qu’il
remplaçait probablement. Avec son entrée imposante et son étage, il avait
quelque chose d’un petit palais. Merthin se demanda où Godwyn avait trouvé les
fonds pour le construire.
Il s’en approcha. En fait, c’était un très grand palais.
Pourtant, il suscitait la désagréable impression d’être écrasé par la
cathédrale, probablement parce qu’il n’y était relié à aucun niveau, ni au
rez-de-chaussée ni à l’étage. Les détails avaient été bâclés. Le fronton de la
porte, par exemple, fastueux, bouchait en partie l’une des fenêtres de l’étage.
Mais il y avait pire : l’orientation générale du bâtiment, édifié sans
tenir compte de l’axe de la cathédrale, ce qui lui donnait l’air bancal.
C’était signé Elfric, indubitablement.
Un chat replet se chauffait au soleil sur le seuil, un chat
tout noir avec seulement le bout de la queue blanche. Il dévisagea Merthin
méchamment. Celui-ci tourna les talons.
D’un pas lent, il se dirigea vers l’hospice. La pelouse
devant la cathédrale était déserte. Ce n’était pas jour de marché. À l’idée de
tomber à tout moment sur Caris, il sentait à nouveau cet affreux mélange
d’excitation et d’angoisse lui tordre l’estomac. Il atteignit le perron de
l’hospice et entra. La salle tout en longueur lui parut plus claire et plus
fraîche que dans son souvenir, nettoyée et briquée dans ses moindres recoins.
Plusieurs personnes étaient étendues sur des paillasses par terre, des vieux
pour la plupart. Près de l’autel, une jeune religieuse récitait des prières à
voix haute. Il attendit qu’elle finisse. Son impatience était telle qu’il avait
l’impression d’être atteint d’un mal bien plus grave que les patients qui
reposaient ici. Il avait parcouru près de mille lieues pour vivre cet instant.
Son voyage avait-il été inutile ?
Enfin, sur un dernier « Amen », la nonne se
retourna. Il ne la connaissait pas. Elle s’approcha de lui et le salua
poliment. « Dieu
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