Un Monde Sans Fin
de Godwyn, juste en dessous de sa narine
gauche !
*
Le lendemain matin, Godwyn ne quitta pas son lit. La bouche
et le nez couverts d’un masque de tissu, Caris le soigna avec dévouement. Elle
baigna son visage avec de l’eau de rose et lui donna du vin coupé d’eau sitôt
qu’il réclamait à boire. Après chaque traitement, elle se lavait soigneusement
les mains au vinaigre.
Hormis Godwyn et Thomas, deux moines étaient encore à
l’ermitage, deux novices de Kingsbridge. Hélas, ils se mouraient de la peste,
eux aussi. Elle les fit descendre du dortoir et les installa dans l’église. Et
elle s’affaira auprès d’eux, se déplaçant de l’un à l’autre, légère comme une
ombre dans la lumière tamisée de la nef.
Elle demanda à Godwyn où il avait caché les trésors de la
cathédrale. Il refusa de le dire.
Merthin et Thomas entreprirent de fouiller les lieux. Le
premier endroit qu’ils vérifièrent fut l’église où quelque chose avait été
enterré récemment sous l’autel – comme l’attestait la terre fraîchement remuée.
Ils creusèrent un trou. Bien que manchot, Thomas maniait la pelle avec adresse.
La cachette se révéla vide.
Ils passèrent ensuite le monastère au peigne fin, sans
remettre la main sur une pierre précieuse, sur une relique ou sur une charte.
Ils firent tinter leurs instruments dans toutes les salles désertes, allèrent
jusqu’à examiner le four à pain dans la boulangerie et les cuves dans le
pressoir. En vain. Toutes les barriques étaient vides.
La seconde nuit, de sa propre initiative et sans le moindre
commentaire, Thomas quitta le dortoir à pas de loup pour laisser Merthin et
Caris dormir seuls. Débordant de gratitude, les deux amants se blottirent l’un
contre l’autre et firent l’amour sous une pile de couvertures. Après, Caris
demeura éveillée longtemps. Une chouette avait élu domicile dans la
toiture ; elle l’entendait hululer et aussi, parfois, crier un petit
animal pris au piège de ses serres. Elle s’inquiéta à l’idée de tomber enceinte
à nouveau. Elle ne voulait pas mettre un terme à sa vie religieuse, et ne
voulait pas non plus renoncer au bonheur d’être dans les bras de Merthin. Elle
s’interdit de penser à l’avenir.
Le troisième jour, alors qu’ils dînaient au réfectoire,
Thomas dit à Caris : « La prochaine fois que Godwyn demandera à
boire, refusez de lui donner quoi que ce soit jusqu’à ce qu’il avoue où il a
caché le trésor. »
Caris réfléchit. Cette solution, parfaitement justifiée, lui
parut néanmoins une forme de torture. Elle refusa. « Je sais bien qu’il le
mérite, mais j’en suis incapable. Si un malade réclame à boire, je dois lui
donner à boire. C’est plus important que tous les objets de culte de la
Chrétienté.
— Vous ne lui devez aucune compassion. Il ne vous en a
jamais témoigné.
— J’ai transformé l’église en hospice. Je n’en ferai
pas une salle de torture. »
Thomas aurait volontiers poursuivi la discussion mais, d’un
signe de tête, Merthin l’en dissuada. « Réfléchissez, frère Thomas. Quand
avez-vous vu ces objets pour la dernière fois ?
— La nuit de notre arrivée, répondit le moine. Ils
étaient rangés dans des sacs de cuir et dans des caisses transportés jusqu’ici
sur deux chevaux. Ils ont été déchargés en même temps que le reste des bagages
et regroupés dans l’église, je crois.
— Que leur est-il arrivé ensuite ?
— Je ne les ai plus revus. Après l’office du soir,
quand nous sommes tous allés souper au réfectoire, Godwyn et Philémon sont
restés dans l’église avec deux autres moines, Jules et Jean.
— Des moines jeunes et forts tous les deux, n’est-ce
pas ! s’enquit Caris.
— Oui.
— C’est probablement à ce moment-là que le trésor a été
enterré sous l’autel, dit Merthin. Mais quand a-t-il été déterré ?
— À un moment où il n’y avait personne dans l’église,
probablement. Cela n’a donc pu se produire qu’à l’heure des repas.
— En ont-ils manqué d’autres ?
— Plusieurs. Godwyn et Philémon agissaient comme s’ils
étaient au-dessus des règles. Leurs absences aux repas ou aux offices ont été
trop fréquentes pour que je me souvienne de chacune d’elles avec
précision. »
Caris dit : « Vous souvenez-vous si Jules et Jean
se sont absentés une seconde fois ? Il est à croire que Godwyn et Philémon
ont à nouveau eu besoin de leur
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