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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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trouées
d’espaces vides évoquaient des mâchoires aux dents pourries. De tout temps, des
bâtiments s’effondraient, bien sûr, dévastés par des incendies, minés par des
infiltrations ou simplement sous l’effet des années ou d’un défaut de
construction. Ce qui avait changé, c’était qu’à présent, plus personne ne
prenait la peine de les reconstruire. Quand une habitation s’écroulait, ses
occupants se contentaient de déménager dans une maison abandonnée plus loin
dans la rue. Seul Merthin poursuivait avec obstination son métier de bâtisseur,
passant pour un idéaliste forcené qui dépensait inutilement son argent et ses
forces.
    De l’autre côté de la rivière, les fossoyeurs creusaient des
tombes dans le nouveau cimetière récemment consacré. La peste ne montrait aucun
signe d’essoufflement. Que se passerait-il si les ravages perduraient ?
Les maisons continueraient-elles à tomber en ruines, les unes après les autres,
jusqu’à ce qu’il n’en reste aucune et que la ville ne soit plus qu’un
amoncellement de tuiles brisées et de bois calciné massé autour d’une
cathédrale désertée et bordé par un cimetière de cent acres ?
    « Ça ne peut pas durer ! S’exclama-t-elle.
    — Les funérailles ? demanda Merthin.
    — Non, dit Caris avec un grand geste du bras qui
englobait la ville et le pays entier. Tout ça : les ivrognes qui se
battent et se mutilent ; les parents qui abandonnent leurs enfants malades
sur les marches de l’hospice ; les hommes qui font la queue pour baiser
une femme soûle sur une table d’auberge ; les bêtes qui meurent dans les
pâture ; les pénitents à moitié nus qui se flagellent pour ensuite faire
la quête auprès des badauds ; et surtout le meurtre brutal d’une jeune
maman, ici, dans mon couvent ! Ça m’est égal que la peste nous tue tous,
mais tant que je serai en vie, je ne permettrai pas que notre monde parte ainsi
à vau-l’eau !
    — Tu as tout mon soutien »
    Elle lui sourit avec gratitude, heureuse de la confiance
indéfectible qu’il lui témoignait dans une situation où la plupart des gens lui
auraient fait remarquer son impuissance. Elle contempla un pinacle et ses anges
de pierre aux traits estompés par deux siècles de pluie et de vent, et elle
songea à la passion qui animait les bâtisseurs de la cathédrale. « Nous
allons rétablir l’ordre et obliger la population à reprendre une vie normale,
de gré ou de force. Et nous allons reconstruire cette ville, lui redonner vie
sans nous inquiéter de la peste. Il faut profiter de ce meurtre abominable et
agir dès aujourd’hui.
    — Profiter de la colère des gens ?
    — Oui, et de leur terreur à l’idée que des hommes armés
puissent entrer dans la ville en pleine nuit et trucider qui bon leur semble.
Ils ont le sentiment de n’être plus en sécurité.
    — Que comptes-tu faire ?
    — Tout d’abord leur dire que ça ne doit plus jamais
arriver. »
    *
    « Plus jamais ! » cria Caris. Sa voix
retentit dans le cimetière, et les vieux murs gris de la cathédrale en
répercutèrent l’écho.
    Les femmes n’étaient pas autorisées à prendre la parole lors
des cérémonies publiques, mais les enterrements se déroulaient hors les murs de
l’église et il arrivait parfois que des laïcs, proches du défunt, usent de
cette occasion solennelle pour prononcer des discours ou réciter des prières à
voix haute.
    Néanmoins, en enfreignant une règle, Caris s’exposait à des
remontrances de la part de l’évêque Henri. Car c’était lui qui officiait,
assisté de l’archidiacre Lloyd, clerc du diocèse depuis des années, et d’un
prélat français, le chanoine Claude. En présence d’une compagnie aussi
distinguée, c’était une audace, pour une religieuse, que de faire un discours
sans en avoir été priée.
    Mais Caris ne s’était jamais embarrassée de ces considérations.
    Elle avait pris la parole au moment où les fossoyeurs
portaient en terre le petit cercueil. Cinq cents fidèles au moins assistaient à
la cérémonie et plusieurs personnes avaient fondu en larmes. Au son de sa voix,
le silence s’était fait.
    « En pleine nuit, des hommes armés ont pénétré dans
notre ville et jusque dans la clôture de notre couvent pour tuer une jeune
femme. Je ne le tolérerai pas ! »
    Un grondement d’approbation monta de la foule.
    Caris haussa la voix. « Le prieuré ne le tolérera pas,
l’évêque ne le

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