Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
Cambridge, comme lorsqu'ils étudiaient au MIT, manger des crêpes au Blue Parrot , pour se frotter aux étudiants de Harvard et se remémorer leur jeunesse. Ils s'y rendirent à bord du nouveau tramway à traction électrique, qui franchissait le pont ouest, sur la Charles River. Crêpes et cidre commandés, Thomas se pencha vers son ami.
     
    – Ainsi, tu épouses la gentille Susan. Je crois que tu vas être heureux. « Couler une main libre autour d'un sein neigeux 6  », ah ! je t'envie, cita Artcliff.
     
    – Point n'est besoin d'épouser pour faire ce que tu dis, plaisanta Pacal.
     
    – Avec une fille comme Susan, c'est indispensable. J'ai su qu'elle était très demandée depuis des années. Si ce brave Arnold, dont le zèle démographique est prouvé, souhaitait depuis longtemps caser sa fille d'un premier mariage, tante Maguy veillait au grain, dit Thomas.
     
    – Je m'en suis aperçu. J'ai su qu'elle avait demandé à son notaire une évaluation de mon patrimoine et l'état de mes comptes en banque. Elle en a été pour ses frais, les notaires et banquiers des Cornfield sont, autant par intérêt que par fidélité, d'une exemplaire discrétion. Mais j'ai trouvé le procédé de la vieille tante on ne peut plus discourtois, révéla Pacal.
     
    – C'est que, chez nous, les prétendants étrangers de nos héritières, même titrés, sont trop souvent de charmants dilettantes, dont l'avenir professionnel et pécuniaire apparaît vague. Et, comme les jeunes Américaines ne rêvent que devenir comtesse ou baronne, le danger s'évalue en dollars.
     
    – Comme tout ici. Mais tante Maguy n'a pu me faire évaluer, dit Pacal en riant.
     
    – Toi, tu as du bien au soleil. Elle a vu ta principauté bahamienne, et ton titre de baronet est plus ancien que le Mayflower  !
     
    – N'es-tu pas, toi aussi, tenté par le mariage ?
     
    – Pour le moment, beaucoup de travail m'en détourne. J'ai d'importants chantiers à New York et aussi à Chicago, pour l'Exposition prévue en 1892, quatrième centenaire de la découverte de l'Amérique par Colomb. Depuis la mort de mon père, ma mère tient ma maison. Alors, mon petit vieux, je papillonne quand j'en ai le temps. Des femmes mariées uniquement. Tu vois que je me souviens des conseils que nous avait donnés ton cher grand-père, quand il vint au MIT pour la remise de nos diplômes.
     
    – Depuis ce temps, Cambridge a changé, grandi, embelli, constata Pacal.
     
    – Et Harvard, première université et la plus riche de l'Union, construit chaque année de nouveaux bâtiments. Grande nouveauté, on vient d'admettre trois cents filles à Fay House, qu'on appelle aussi Annex . Elles reçoivent l'enseignement des professeurs de l'université et se proposent de battre les garçons dans toutes les matières… sauf au base-ball, dit Thomas Artcliff.
     
    – Au temps où nous étions étudiants, Boston ne me plaisait guère. J'épouse une Bostonienne, mais mon opinion sur cette ville et ses habitants n'a pas varié. Ici, tout semble baigner dans ce qu'un écrivain bostonien émigré à Londres 7 nomme « le bain tiède de la démocratie ». Les mœurs sont douces et pleines de réserve, certes, mais on n'a jamais le sentiment de vivre dans la grandeur, comme à Londres ou Paris. Même les dynastes du cuir, de la laine ou des assurances ont l'air de paysans hollandais endimanchés. On a l'impression qu'ils viennent de quitter leurs sabots, garnis de paille, et leur blouse, de toile bleue, pour se déguiser en citadins fortunés. Tout est imitation, dans cette société qui ne pense qu'au commerce et à ses profits. L'élite y tient peu de place, asséna Pacal.
     
    – Tu es injuste ! Tu oublies des célébrités locales de réputation universelle : Benjamin Franklin, Hawthorne, Emerson, Longfellow, Agassiz, les James, William et Henry, et bien d'autres, que je pourrais citer. On trouve ici des entrepreneurs, des hommes d'affaires, des philosophes et des artistes. Et puis, il y a notre université, la plus ancienne de l'Union. La ville de Boston, dans le domaine intellectuel et artistique est, crois-moi, mieux pourvue que New York.
     
    – Sauf en architectes ! lança Pacal, ponctuant sa réflexion d'une bourrade affectueuse.
     
    Avant de regagner son hôtel, le Bahamien voulut revoir la maison du professeur Robert Lowell, où il avait vécu quinze ans plus tôt. Y était attaché le douloureux souvenir de Viola et d'irrémissibles remords.

Weitere Kostenlose Bücher