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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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visage cireux, les lèvres blêmes, le jeune homme, foudroyé à l’instant où il croyait toucher au but, obéit machinalement. Il posa son manuscrit sur le bureau, et un des secrétaires s’en empara. Tout avait marché extraordinairement vite. Claude s’aperçut avec étonnement qu’il était juste trois heures. Collot félicitait ses collègues, en leur rappelant que les traîtres se disposaient à recommencer contre la Convention le coup du 31 mai. Ce qui lui valut une dernière réplique, indignée, de Robespierre : « Tu en as menti ! » Exténué, il se laissa aller contre le dossier du banc recouvert de basane verte.
    C’était fini. Tout le monde s’épongeait. Le président invita l’Assemblée à poursuivre majestueusement ses travaux. Passant donc à l’ordre du jour, on écouta un rapport sur l’attribution de secours aux défenseurs de la patrie. Mais les cinq proscrits réunis au premier rang, devant la tribune, avec un vide autour d’eux sur les bancs, aimantaient l’attention. Un huissier leur apporta timidement copie du décret d’arrestation. Maximilien le prit, y donna un coup d’œil puis, le posant sur son chapeau, se remit à parler avec Augustin. La lecture du rapport bientôt terminée, Louchet demanda ce que l’on attendait pour exécuter le décret de la Convention. « La présence des conspirateurs souille cette enceinte. » Robespierre semblait avoir ressaisi sa maîtrise. Il répondit de son ton habituel, calme et sec : « Nous attendions la fin de…» Une nouvelle explosion lui coupa la parole : « À la barre ! Tyran ! À la barre ! » Collot d’Herbois fit signe aux inspecteurs de la salle. Ils ouvrirent la barre, toute proche des proscrits ; mais ils n’osaient pas leur enjoindre de la franchir. Tout abattus qu’ils paraissaient, Robespierre, Couthon et Saint-Just inspiraient encore la crainte. On ne pouvait croire à leur si soudaine défaite. Qui sait s’ils n’allaient pas se relever, reparaître ici assoiffés de vengeance ?
    Devant la défaillance des huissiers, Collot requit le poste. Les gendarmes arrivèrent. Maximilien dit quelque chose à ses compagnons. On les vit se lever, passer d’eux-mêmes l’ouverture de la barre, Couthon dans son fauteuil. Suivis par les uniformes, ils disparurent dans la galerie basse des pétitionnaires.
    Claude ferma fortement les paupières sur cette image. Il n’éprouvait aucun sentiment de victoire, mais au contraire une tristesse amère et anxieuse.
    Les galeries, les amphithéâtres publics, aux deux bouts de la salle, se vidèrent rapidement. Les spectateurs exultant couraient porter la nouvelle. L’arrestation de Robespierre, pour eux, signifiait au moins la fin de la Terreur, sinon de la Révolution, la fin du cauchemar, le retour à la vie heureuse. Ils ne se doutaient pas que les Collot d’Herbois, les Billaud-Varenne et presque tous les hommes du Comité de Sûreté générale, tous ceux en un mot qui avaient organisé et conduit l’assaut contre l’Incorruptible, ne comptaient nullement ralentir la guillotine. Bien au contraire.
    Aux yeux de Claude, la prochaine bataille allait être à livrer aux Collotistes, pour leur interdire de massacrer la moitié de la France. Finirait-on jamais de se battre ? Après les « noirs », les « monarchiens ». Après Barnave, Duport, Lameth : les Girondins. Après Brissot, Vergniaud, Pétion et les Roland : Hébert. Après Hébert, les Dantonistes. Après Danton, Desmoulins, Fabre d’Églantine : les Robespierristes. Après Robespierre et Saint-Just : les « patriotes rectilignes », maintenant. Et après eux, qui encore, qui ? Une lourde lassitude s’ajoutait à l’anxiété de Claude. Toute la Convention, d’ailleurs, à l’issue de cette frénétique séance, était épuisée. Elle s’ajourna au soir, à sept heures.
    Claude alla se reposer un moment auprès de Lise. Quelle douceur ici, quel calme, après la sauvagerie et les hurlements ! La grossesse déformait Lise, mais pour lui elle restait merveilleuse, la plus belle, la seule. Il lui raconta ce qui venait de se produire, en voilant la fureur, la cruauté. « Je n’ai jamais aimé Robespierre, dit-elle, mais ces hommes encore, après tant et tant d’autres !… Je voudrais pour notre fils ou notre fille un monde où l’on ne passerait pas son temps à s’entre-tuer. »
    Claude ne pouvait rester longtemps, car il fallait s’attendre à une réaction, probablement

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