Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique
deux camps.
Sur les petits écrans de l’Amérique, comme de partout ailleurs dans le monde, défile alors une guerre urbaine qui surprend le public. Des combats de rues, le pilonnage par les aviations américaine et sud-vietnamienne de quartiers, de marchés, de petites villes. L’assaut contre la chancellerie américaine. Les combats sont brutaux et des exactions sont commises par les deux camps. Le chef de la police du Sud, le général Nguyên Ngoc Loan, exécute d’un coup de revolver un prisonnier devant les caméras, en plein centre de Sài Gòn. Depuis trois ans, des centaines de milliers de GI ’s ont été envoyés dans ce petit pays lointain pour conquérir des pitons, nettoyer des forêts, contrôler des campagnes. Pour en arriver là ? Le choc est rude, très rude. Même si les Viêt Côngs échouent rapidement dans plusieurs villes ou se heurtent ailleurs, une fois l’effet de surprise passé, à des murs de feu, le mal est fait.
« Il a fallu détruire la ville pour la sauver », résume un officier américain à Bên Tre, chef-lieu de province dans le delta du Mékong. Plus de trois semaines seront nécessaires pour déloger les Viêt Côngs de la citadelle de Huê, elle aussi en ruines et, au passage, pillée. L’opinion américaine décroche. Le général Trân Dô, l’un des chefs communistes sur le terrain, en dressera plus tard le bilan suivant : « En toute honnêteté, nous n’avons pas atteint notre principal objectif, qui était de susciter des soulèvements dans tout le Sud. Toutefois, nous avons infligé de lourdes pertes aux Américains et à leurs fantoches, et ce fut un grand succès pour nous. Quant à avoir un impact aux États-Unis, telle n’était pas notre intention – mais ce fut un résultat heureux. » Le président Lyndon B . Johnson renonce, dans la foulée, à sa candidature à l’élection présidentielle de novembre 1968 et engage, à Paris en mai, des négociations avec Hà Nôi.
Pham Xuân Ân est prévenu, dit-il, de cette attaque généralisée contre les villes « trois mois » avant sa tenue. Y est-il favorable ? Sa réponse, telle qu’elle a été rapportée par ses biographes officiels : « J’ai été informé du plan d’offensive générale trois mois auparavant et l’on m’a demandé d’étudier la situation, de fournir des informations, d’analyser les facteurs concernés sur les fronts militaire, politique, social et économique, ainsi que les développements à propos des forces de l’ennemi et de leurs capacités de défense. Nos dirigeants avaient l’intention de libérer le Sud avec cette offensive générale. Des attaques surprises peuvent déboucher sur des victoires retentissantes. Mais nous n’aurions pas pu libérer le Sud à l’époque parce que nos forces n’étaient pas assez solides alors que l’ennemi demeurait très puissant. »
Le général Trân Dô a peut-être cru à un « soulèvement » dans le Sud, donc aux vertus d’une « insurrection générale ». Pham Xuân Ân privilégie, dans son analyse, le rapport de forces. Le dispositif américain, en 1968, est au faîte de sa puissance et la machine rodée. Le rapport de forces demeure donc défavorable aux communistes, ce qui explique ses réticences. En outre, il connaît bien la situation sur le terrain : les populations du Sud sont, pour le moins, divisées et compter sur un soulèvement urbain semble hors de question.
Quel que soit son sentiment, Hà Nôi a besoin de ses services. Où frapper ? Cela dépend des renseignements obtenus sur le dispositif de l’adversaire. Compte tenu de la puissance de feu américaine, Pham Xuân Ân est favorable à l’effet de surprise. L’attaque aura lieu le jour de l’An vietnamien, sous le couvert des pétards que les enfants font éclater un peu partout et au moment où beaucoup de militaires sudistes, munis d’autorisation ou non, ont rejoint leurs familles. Pham Xuân Ân doit également effectuer, au préalable, le repérage dans la capitale du Sud : montrer à Tu Cang, un chef de réseau de renseignements communiste et l’un des hommes en charge de préparer l’offensive, les bâtiments officiels et la chancellerie américaine, lui expliquer les dispositifs de sécurité, les moyens de transport des troupes du Sud, les différences entre leurs uniformes, lui parler de la mentalité des Saigonnais.
Il promène Tu Cang, qui ne sait pas, au départ, comment ouvrir la porte d’une
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