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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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ainsi
qu’un grand verre de jus d’orange avec de la glace pilée. L’orchestre entama It
Had to Be You et l’une des filles s’exclama :
    « Oh, j’adore cette chanson ! On peut danser,
Harry, s’il te plaît ?
    — Excellente idée », approuva l’épouse de ce
dernier, se levant à l’instant où Judd s’asseyait.
    Et sitôt qu’Harry eut confié sa flasque à Judd, toute la
tablée, à l’exception de Mrs Snyder, s’empressa de descendre.
    « On dirait que j’ai provoqué un sauve-qui-peut, lâcha
Judd.
    — Eh bien, personnellement, je déteste dîner à l’anglaise. »
    En mal de répartie, Judd hasarda platement :
    « Comment allez-vous ?
    — Le bonheur me tétanise », affirma Ruth avec un
grand sourire.
    Et en effet, elle le dévisageait comme s’il n’y avait
personne au monde qu’elle eût préféré voir.
    « C’est une très agréable surprise pour moi aussi,
assura Judd. Le message de Harry ne faisait pas allusion à vous.
    — Eh bien, il n’est pas du genre à se perdre en
détails.
    — Votre mère… A-t-elle aimé la gaine en
Grecian-Treco ?
    — Oh, je ne sais pas. Nous ne discutons pas autant de
nos dessous que nous le devrions. Mais merci du cadeau.
    — À votre service », répondit-il, et il s’avisa
qu’il était sincère.
    On lui apporta un grand verre à moitié rempli de jus
d’orange et Judd l’additionna de vodka grâce à la flasque en argent martelé de
Harry, après avoir commandé une salade aux crevettes en guise de repas.
    La chevelure dorée de Ruth rivalisait avec le lustre
flamboyant suspendu à quelques mètres d’eux et ses yeux d’un bleu glacé, renversants,
étaient pailletés de lumière. Judd eût pu se satisfaire de consacrer la soirée
à la contempler, mais avec le savoir-faire consommé d’un bon cavalier, il la
cribla de questions sur son enfance.
    Elle lui raconta qu’elle était née à New York, dans un appartement
de quatre pièces au coin de Morningside Avenue et de la 125 e  Rue.
Son père, Harry Sorenson, avait adopté le patronyme de Brown lorsqu’il avait
émigré de son village de pêcheurs en Norvège. Josephine l’avait rencontré à
Coney Island. D’abord marin, il s’était ensuite fait charpentier, mais il était
souvent au chômage à cause de son épilepsie et d’une légion d’autres maux, de
sorte que, pour subvenir à leurs besoins, Josephine travaillait comme
aide-soignante. Autant dire femme de ménage et garde-malade à mi-temps. Ruth
avait obtenu l’équivalent du certificat à l’École publique n° 11 à l’âge
de treize ans et elle n’avait pas tardé à être embauchée par la New York
Telephone Company comme opératrice d’appoint. Elle était trop jeune pour un tel
poste, mais le superviseur avait été enchanté par sa voix. Elle avait suivi des
cours du soir au Berg Business Institute de la 149 e  Rue, dont
elle était sortie sténographe diplômée et était capable de taper soixante-cinq
mots par minute, dont quelques-uns sans fautes.
    « Il est impossible que tout ça vous intéresse
vraiment, conclut-elle.
    — Mais si, protesta Judd. C’est fascinant. »
    Un mot de Laurence Sterne lui revint : « La
séduction est affaire d’attentions discrètes, assez voilées pour ne pas
effaroucher, mais assez apparentes pour être perçues. » Le serveur remplit
à demi le verre de jus d’orange de Judd, qui le compléta à nouveau avec de la
vodka.
    « Dites, reprit-il, je passe un fameux moment.
    — Moi aussi. Vous êtes un excellent confident.
    — Vous voulez un verre ?
    — Niet… Les spiritueux ne sont pas pour moi. Mais
j’aime voir les autres passer un bon moment. »
    Avachi sur sa chaise, Judd tira ses cigarettes de la poche
intérieure de sa veste et en alluma une avec maladresse. Ruth pencha la tête
comme une enfant.
    « Quelle marque ? » se renseigna-t-elle.
    Il exhala une bouffée de fumée grise et tourna le paquet
vers elle.
    « Des Sweet Caporal. Je m’y suis mis à quatorze ans, à
l’époque où il y avait une carte de base-ball à échanger dans chaque paquet.
    — Il n’y avait pas des cartes avec des “jolies dames”
avant ça ? »
    — Euh, si concéda Judd, avec un sourire penaud. Je
m’étais mis aux cartes elles-mêmes vers les six ans…
    — Et c’est ainsi qu’a débuté une carrière dans la
lingerie.
    — Racontez-moi plutôt comment vous avez rencontré votre
mari », répliqua-t-il, avec une expression

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