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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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paraissait fastidieux, sa sœur épousant un polytechnicien, fils du fondé de pouvoir, il lui serait peut-être possible de s'en dégager.
     
    Mais il remit ces questions à plus tard. Le lendemain, il devait aller à Florence avec Anne, au musée des Offices, et déjeuner à Fiesole chez l'oncle de la jeune fille, celui qui « fabriquait » des orchidées.
     
    Désormais, tout paraissait plus simple entre eux. Leur longue conversation nocturne du cimetière avait fait tomber les dernières barrières. Anne, trouvant l'audace et l'assurance après une méditation sur la tombe d'Anna, avait su provoquer chez Jean-Louis la scission entre le personnage qu'il avait joué jusque-là et cette personnalité nouvelle qui lui était propre ; grâce à elle, il paraissait s'être enfin découvert.
     
    Quand il pensait à la nuit du cimetière, il y voyait une sorte d'extase et sa décision de faire transférer à Sienne le corps de son père avait été aussi subite et franche que si, de tout temps, la chose avait été logiquement inscrite dans ses volontés. Sur la route de Florence, ce matin-là, une joie réelle le poussait à plaisanter. Il était comme ces malades incurables à qui le médecin, admettant une erreur de diagnostic, vient annoncer leur guérison.
     
    Anne aussi était heureuse. Sereine et mystique, elle voyait dans ce qu'elle appelait l'équilibre entre le monde des vivants et celui des morts, une sorte d'aboutissement fécond pour Jean-Louis et indispensable pour Anna, son idole. Elle avait appris par cœur le poème d'Alcobaça et s'occupait à le traduire en toscan.
     
    À Florence, ils passèrent la matinée au musée des Offices et arrivèrent en retard au déjeuner de l'oncle Giovanni, à Fiesole. Le frère de Carlo les accueillit chaleureusement. C'était un poète qui ne vivait que pour ses fleurs. Les jours où il devait les expédier chez ses clients, les fleuristes de Rome, il était au bord des larmes. Pour lui, la guerre des guelfes et des gibelins n'était pas terminée. Il détestait les Florentins et au faîte de sa maison, une des villas où les Médicis mettaient en résidence surveillée leurs opposants, flottait un étendard siennois, noir et blanc.
     
    Il refusait de vendre ses orchidées, les plus belles d'Italie affirmait-on, aux marchands de la ville des fleurs. Au physique, il ne ressemblait pas à Carlo Batesti. C'était une sorte de géant moustachu aux yeux bleus. Il portait un costume de velours côtelé sur une chemise ouverte et, sans la finesse et la blancheur de ses mains, on l'eût pris facilement pour un bon paysan toscan. Célibataire, on lui prêtait une jeunesse agitée et quelques duels retentissants.
     
    Dans les moments de liberté, il écrivait ses Mémoires dont Carlo avait mission de s'emparer pour les brûler à sa mort, sauf si celle-ci intervenait après une certaine date qu'il avait lui-même fixée, dans quel cas ils pourraient être lus par ses descendants.
     
    Il séduisit aussitôt Jean-Louis qui dut énoncer toutes les variétés de fleurs rares que contenait la serre de son père aux Cèdres. Ils allèrent ensuite voir les orchidées. Tandis qu'ils descendaient vers les serres, à travers les jardins en espaliers d'où l'on dominait les toits de Florence perdus dans une brume dorée d'où émergeaient les dômes et les tours, Anne retint Jean-Louis par le bras.
     
    - Il paraît que, dans ses Mémoires, oncle Giulio raconte l'amour d'Anna et de votre père.
     
    Les chaudes exhalaisons des plantes, l'atmosphère lourde et humide empêchèrent la nièce de Giulio de suivre la visite jusqu'au bout. Jean-Louis se maintint au bord de la migraine et entendit toutes les explications de son hôte. Quand il parlait des orchidées, Giulio n'était plus un horticulteur génial, il était zoologiste, dompteur, psychiatre.
     
    - C'est parmi les orchidées que l'on trouve les manifestations les plus parfaites et les plus harmonieuses de l'intelligence végétale, dit-il, citant Maeterlinck. Pendant longtemps on crut la germination des graines impossible en Europe. Il fallait aller chercher, à Bornéo dans la jungle, les plantes sauvages, dont certaines comme la cataritidus repoussent l'insecte qui s'en approche. Sept années sont nécessaires pour obtenir une fleur, dit Giulio, dans ces serres maintenues à une température de trente degrés et j'ai, là, fécondé des plantes que je ne verrai peut-être pas fleurir. Ma première orchidée bleue a fleuri

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