Une veuve romaine
ça me rend très inquiet aussi.
Soudain, elle sourit. Et ce n’était pas la première fois que je voyais ce sourire : c’était l’arme dangereuse d’une femme qui venait de décider que nous allions être des amis spéciaux.
— Je vais enfin te donner la véritable raison de ma visite à l’astrologue, promit-elle. J’espère que ça te permettra de comprendre pourquoi je me fais du souci au sujet de Novus. (J’inclinai ma tête sur le côté, pour indiquer que j’entendais rester neutre.) Il a des ennemis, Falco. Novus a été la victime de menaces – des menaces suivies d’accidents inexplicables. Je précise que tout a commencé avant notre rencontre. Il y en a encore eu un récemment. J’ai consulté Tyche sur les risques qu’il courait, avec son accord, et je pourrais même dire de sa part.
Je parvins à ne pas sourire. Elle ignorait que je l’avais vue commander une pierre tombale pour l’homme en danger.
— Qui sont ses ennemis ? Et que lui ont-ils fait ?
— Acceptes-tu de nous aider ?
— Je viens de te dire que je ne pouvais pas courir deux lièvres à la fois.
— Alors Novus ne souhaiterait pas que je t’en dise davantage.
— C’est toi qui vois.
— Mais comment peut-il se défendre ? s’écria-t-elle, en mimant à merveille l’anxiété.
— Le meilleur moyen de se débarrasser de ses ennemis est de faire ami-ami avec eux. (Les yeux de Severina rencontrèrent les miens, et ils exprimaient clairement ce qu’elle pensait de mon pieux avis. Pendant un bref instant, nous partageâmes une dangereuse affinité.) D’accord, d’accord, je l’admets. Le meilleur moyen de se débarrasser de ses ennemis est de les mettre hors d’état de nuire.
— Falco, si tu refuses de nous aider, au moins ne plaisante pas !
Si elle mentait, c’était une comédienne de première.
Et j’étais loin d’être convaincu qu’elle ne mentait pas.
21
Je passai l’après-midi au Forum à écouter d’antiques rumeurs que les vieux chevaux sur le retour des Rostres essayaient de faire passer pour des nouvelles. Je me rendis ensuite à mon gymnase pour y effectuer quelques exercices, prendre un bain et me raser, en y apprenant de vrais commérages. Puis je consacrai un peu de temps à mes affaires personnelles : ma mère et mon banquier. Les deux me causaient des difficultés pour les raisons habituelles, et aussi parce que je découvris qu’ils avaient reçu la visite d’âmes damnées du chef espion Anacrites. Les attentions dont il faisait preuve à mon égard commençaient à devenir un vrai problème. Il avait officiellement déclaré que Didius Falco était un évadé de prison. Quand ma mère avait protesté qu’elle avait payé ma caution, il s’était contenté de faire la sourde oreille.
Maman était très ennuyée. Et moi, j’étais furieux qu’on ait averti mon banquier de ne pas me faire confiance. En limitant mon futur crédit, on venait de me jouer un sale tour.
Quand je fus enfin parvenu à calmer ma mère, j’avais atteint le stade où j’avais besoin d’être consolé moi-même. Je pris donc la direction de la porte Capena. Pas de chance de ce côté-là non plus. Helena était bien à la maison, mais en compagnie de la moitié des membres de la famille Camillus. Le sénateur avait organisé une fête en l’honneur d’une tante âgée dont c’était l’anniversaire. Le portier, qui pouvait deviner d’après mon accoutrement que je n’avais pas eu l’honneur de recevoir une invitation, me laissa entrer pour le seul plaisir de me voir rejeter à la rue dans les plus brefs délais.
Helena sortit d’une salle de réception, et j’entendis les trilles d’une flûte. Elle s’empressa de refermer la porte derrière elle.
— Désolé, j’arrive au mauvais moment.
— Oh ! c’est vraiment extraordinaire, remarqua-t-elle froidement, tu daignes enfin nous rendre visite.
Les choses commençaient mal. Une matinée en compagnie de Severina avait épuisé mon peu de talent pour le badinage. J’étais fatigué. J’avais besoin qu’on s’occupe de moi. Au lieu de cela, Helena me reprocha de ne pas être passé la veille – auquel cas j’aurais été invité à la fête que son père était en train d’organiser. J’en conclus que Camillus Verus avait oublié l’anniversaire de sa tante jusqu’à la dernière minute, et qu’Helena avait été gênée de devoir avouer qu’elle ignorait quand elle reverrait son vague fiancé (si
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