Vengeance pour un mort
pourrais, oui, dit-il en se penchant vers sa main qu’il effleura de ses lèvres.
— Avant d’examiner plus attentivement cette question, monseigneur, je crois qu’on vous appelle.
Il se retourna et vit un serviteur en livrée royale traverser la cour et se diriger vers eux.
— Encore ? C’est ce qui me déplaît ici, dame Johana. Le service apporte certaines compensations, mais on est toujours à la merci d’autrui. Il y a si peu d’endroits où se cacher. Mais peut-être est-ce vous qu’il cherche, madame.
Ce n’était pas le cas. Le serviteur s’approcha de Bonshom et chuchota poliment à son oreille.
— Tu en es sûr ?
— Oui, monseigneur. Il attend près de l’escalier de la grande cour. Désirez-vous que je vous y accompagne ?
— Je peux le trouver moi-même. Quel insolent, ajouta-t-il à l’adresse de Johana. Mais je crains de devoir vous abandonner.
— Monseigneur, je vous excuse de me priver de votre présence, fit dame Johana, qui encore une fois ferma les yeux.
— Je vous remercie, madame, dit le noble Bonshom.
Le seigneur de Puigbalador abandonna le calme de la petite cour du palais pour le tumulte de la grande.
— Je vous ai dit de ne pas me déranger ici, commença-t-il. Vous y êtes trop connu et, un jour, je trouverai ça gênant.
— Je le regrette infiniment, monseigneur, mais je ne désirais pas confier mon rapport au parchemin ni vous le faire porter par un messager.
— Au fait, et vite.
— Oui, monseigneur, murmura l’homme. Ici ?
— Vous avez mieux à me proposer ? Qui pourrait nous entendre ?
Il est vrai qu’entre ceux qui travaillaient et s’interpellaient bruyamment et ceux qui passaient leur temps à jouer, on aurait eu du mal à entendre le tintement des pièces de monnaie sur le pavé, encore moins le murmure d’une conversation à voix basse.
— Je suis désolé, monseigneur, mais je n’ai pas encore trouvé ce que vous cherchiez. J’ai essayé tous les endroits que vous m’avez suggérés, ainsi que plusieurs autres, en vain chaque fois. Il a apparemment disparu sans laisser de trace.
— Et la femme ?
— Elle ne l’a pas, quoi qu’on ait pu nous dire. Je le jure. J’ai fouillé personnellement. Pas la moindre trace, je vous le répète. Mon informatrice me dit aujourd’hui qu’elle n’était pas sûre que la femme l’avait en sa possession, elle le croyait simplement. Je ne doute pas qu’elle savait qu’on ne la paierait pas tant qu’elle n’aurait pas apporté quelque chose de précis.
— J’espère que vous avez récupéré ce que vous lui avez donné, dit Bonshom avec un air vicieux. Je veux ce titre de propriété. Il a une grande valeur.
— Dois-je continuer à chercher ? demanda l’homme.
— Essayez le domaine. Posez des questions.
— Oui, monseigneur.
— Mais ne mettez pas un mois. Le temps compte.
— Désirez-vous que je me rende au manoir d’Elna ?
— Il ne s’y trouve probablement pas. Je m’en occuperai. Vous savez où me contacter si vous avez du nouveau.
— Oui, monseigneur.
— Je reviens ici la semaine prochaine.
— Fort bien, monseigneur.
CHAPITRE III
Gérone, dimanche 5 octobre
La maison du médecin était en émoi depuis le matin. Il fallait brosser les tuniques, les plier et les disposer dans un coffre, avant de les recouvrir de chemises et de linges. Ce coffre serait ensuite scellé, prêt à être chargé. Et les habits de voyage devaient être tenus à disposition dès le lever du soleil. Maintenant que tout était fait, Judith préparait de petits balluchons destinés aux trois voyageurs quand quelqu’un sonna au portail.
— Leah, fit-elle avec impatience, va voir ce que c’est.
— Il faut que je m’occupe de mes affaires, maîtresse, se plaignit la servante. Demandez plutôt à Ibrahim.
— Ibrahim emporte le coffre chez maître Astruch, dit Raquel depuis sa chambre située au premier étage.
Judith ferma le dernier balluchon, celui de Yusuf, et descendit dans la cour. Un homme poussiéreux, l’air las, se tenait au portail.
— J’ai un message urgent pour Isaac, le médecin, annonça-t-il en sortant un papier plié de sa besace.
— De la part de qui ? demanda Judith.
— De maître Jacob Bonjuhes, à Perpignan. Je suis parti avant l’aube, il tenait absolument à ce qu’il arrive aujourd’hui.
— Entrez, mon brave homme. Et prenez un rafraîchissement pendant que j’envoie chercher mon époux. Naomi !
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