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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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que la quinine.
    Rien ne dira la beauté de ces soirs, de ces nuits à Bosoum.
    10 décembre.
     
    Les vomissements de Morel continuent. Un instant nous avons pu nous demander si à son malaise ne se joignait pas celui de l’ivresse : la bouteille d’amer qu’on avait débouchée pour nous la veille et à quoi nous avions à peine touché, était à moitié vide, ainsi qu’une bouteille de whisky ; il nous semblait qu’il sentait la liqueur… bref, j’ai fini par lui poser une question directe ; devant sa protestation évidemment sincère il faut conclure que ce sont ses boys qui ont profité de la maladie du maître et de notre présence, espérant nous faire endosser leurs excès.
    L’auto qu’a promis de nous envoyer Lamblin n’arrive pas {66} .
    11 décembre.
     
    Admirables feux de brousse – dans la plaine, au près, au loin, de tous côtés de l’horizon, à la nuit tombante – et même ceux, là-bas, qu’on ne peut voir, mais qui derrière l’horizon, font une étrange rougeur, et comme une « une aube qui point ». Les hautes herbes, souvent encore pleines de sève, laissent le feu courir sous elles et ne se consument pas ; on voit alors la flamme à travers le réseau de leurs chaumes noirs.
    Bosoum, 12 décembre.
     
    Ciel ineffablement pur. Il me semble que jamais, nulle part, il n’a pu faire plus beau. Matin très frais. Lumière argentée ; on se croirait en Écosse. Une légère brume couvre les parties les plus basses de la plaine. L’air est suave, agité doucement ; sa fuite vous caresse. Je laisse Marc cinématographier un feu de brousse et reste tranquillement assis en compagnie de Gœthe.
    13 décembre.
     
    Toujours sans auto, sans nouvelles de Lamblin. Que faire ? Attendre. Le temps est splendide ; le ciel ne peut être plus pur, plus profond ; la lumière plus belle ; l’air plus tiède à la fois et plus vif… Achevé la première partie des Affinités, et parcouru quantité de Revues de Paris. Morel va mieux. Les vomissements ont enfin cédé à la piqûre de morphine que nous lui avons faite hier soir.
    14 décembre.
     
    Achevé la relecture complète des Fables de La Fontaine. Aucune littérature a-t-elle offert jamais rien de plus exquis, de plus sage, de plus parfait ?
    16 décembre.
     
    Toujours en panne à Bosoum. Ce n’est plus du repos ; c’est de l’énervement. Ne prenant plus d’exercice, le sommeil est beaucoup moins bon. Morel nous a persuadés qu’il était imprudent, à cause des panthères, de laisser portes et fenêtres ouvertes la nuit. Alors on ferme tout et l’on étouffe. Il est temps de repartir, fût-ce à pied.
    Dans la collection de journaux que nous prête Morel (que vient de lui apporter le courrier) un réjouissant article de Clément Vautel, où je suis pris à partie en compagnie de « Rimbaud, Proust, Apollinaire, Suarès, Valéry et Cocteau » comme exemple de ces écrivains « abscons » dont la France ne veut « àaucun prix ». – Je lis dans Gœthe : « Durch nichts bezeichnen die Menschen mehr ihren Charakter als durch das, was sie lächerlich finden. »
    Communication d’un radio du 19 novembre : Valéry est élu à l’Académie.
    N’Ganamo. 17 décembre.
     
    Il a bien fallu se décider à quitter Bosoum sans plus attendre les autos du gouvernement. Déjà nous regrettons de les avoir attendues si longtemps ; nous calculons le temps perdu ; nous pourrions être à Fort-Archambault… Une nouvelle équipe de 48 porteurs (dont 16 tipoyeurs) est réquisitionnée. C’est la septième. Rien de plus ingrat que cette route ; sous une chaleur accablante nous savourons sa parfaite monotonie, et ne quittons guère nos tipoyes. Trop secoué pour pouvoir lire. Mais sitôt arrivé à l’étape, je me plonge dans les Affinités. Soir splendide, comme tous ces derniers soirs. Le soleil encore assez haut au-dessus de l’horizon « fait la mandarine » comme disait Morel. Il perd à la fois chaleur et rayonnement ; c’est une masse rouge orangée que l’œil contemple sans éblouissement. Heure exquise où le casque devient inutile. Exactement au-dessus du point de l’horizon que le soleil mourant colore encore, le très fin croissant d’une lune naissante apparaît, comme un « noun » arabe. Je suis descendu jusqu’à une assez proche rivière dont un petit sentier dans la galerie forestière m’a permis de suivre le cours quelque temps. Quelle tranquillité ! Des appels d’oiseaux ; puis,

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