Will
compétition serait dénuée de sens. »
Il fallut un moment aux Ffreincs pour saisir toute la
signification des paroles de l’émissaire. « Un concours de tir à l’arc,
répéta le comte Falkes avec circonspection, avec la liberté du prisonnier comme
enjeu.
— C’est ce que l’ambassadeur du pape veut, répondit
frère Alfonso. Dame Ghisella trouverait cela très amusant, elle aussi. Ils ne
manqueront pas de faire part de leur contentement à Sa Sainteté. »
Le shérif aussi bien que le comte en appelèrent à l’abbé
Hugo, qui était soudain devenu très pensif. « Alors ? Parlez !
siffla le shérif. Expliquez à Son Éminence que c’est impossible. Ce coquin va
être pendu ici et maintenant, point final.
— Hélas non, chuchota vivement l’abbé en réponse. Notre
invité semble décidé à obtenir satisfaction, et de Braose ne serait pas ravi
d’apprendre que nous avons refusé de répondre à une petite demande qu’il était
en notre pouvoir de lui accorder.
— Une petite demande ! marmonna le shérif d’une
voix étranglée. Nous ne pouvons pas prendre le risque de libérer ce coquin.
— Bien sûr que non. Laissons cet imbécile avoir son
concours. Tout ce que nous avons à faire, c’est de nous assurer que le Gallois
ne gagnera pas.
— Monseigneur a raison, conclut Falkes. Mon oncle ne
verrait pas d’un bon œil la moindre chose qui puisse menacer sa bonne entente
avec Clément. Nous devons trouver un moyen de plaire à Son Éminence, aussi
étrange que soit sa demande. Ai-je besoin de vous rappeler que nous ne sommes
pas dans les faveurs du baron en ce moment ? Permettre à ce légat de
remporter son ridicule concours pourrait bien constituer l’occasion de
retrouver les bonnes grâces du baron. »
Le shérif regarda les deux autres comme des hommes privés de
raison.
« Trouvez un arc, et que ce fichu concours commence,
ordonna le comte. En attendant, de Glanville, je crois que vous devriez
aller… – il marqua une pause, de sorte que le shérif ne puisse pas mal
interpréter le sens de ses paroles – préparer le prisonnier.
— Oui, ajouta l’abbé. Veillez bien à ne rien laisser à
la chance.
— Entendu, répondit le shérif en saisissant enfin ses
intentions. J’accompagnerai le prisonnier personnellement. »
Se tournant vers ses invités, le comte Falkes adopta un air
bienveillant et annonça : « Faites savoir à Son Éminence et à son
entourage que je suis heureux d’accéder à sa requête. J’ai par conséquent pris
des dispositions pour que le concours ait lieu. Cependant, je crains qu’il ne
soit pas aussi divertissant que Sa Grâce l’espère. Vous allez vous en rendre
compte, ces bandits ne sont pas aussi doués qu’ils le prétendent.
— Mes remerciements, comte », dit l’émissaire qui
descendit aussitôt du pavillon et entreprit de traverser l’espace qui le
séparait du gibet.
« Attendez ! Votre Éminence, un moment, s’il vous
plaît ! lui cria le comte en se hâtant à sa suite. Vous devez nous laisser
le temps de préparer le concours. »
L’émissaire papal fut reconduit à sa place dans le pavillon
pour y être diverti par l’abbé Hugo ; pendant ce temps, le comte se hâta
d’aller donner l’ordre de fabriquer une cible et qu’on apporte sur-le-champ un
arc et des flèches.
« C’est absurde ! gronda le marshal Guy quand
Falkes lui eut expliqué son plan. A-t-il perdu la raison ?
— Sans doute, remarqua le comte, mais il a l’oreille et
l’amitié du pape Clément. Nous n’osons pas le contrarier ou lui donner des
motifs de se plaindre de l’accueil qu’il a reçu ici. »
Le marshal jeta un coup d’œil au pavillon de l’autre côté du
tapis de verdure. « Que voulez-vous que je fasse ?
— Faites juste en sorte que ça ressemble à une honnête
compétition entre deux archers. Le shérif prend des mesures pour s’assurer que
notre prisonnier ne pourra en aucun cas remporter le concours, dit le comte en
s’éloignant. Qu’il ait l’air équitable et tout ira bien. »
Guy de Gysburne regarda au loin le captif qui attendait sous
le gibet, la corde au cou. « Connaissant le shérif, le prisonnier est
entre de bonnes mains. »
CHAPITRE 38
Saint-Martin : la place du
village
Will Écarlate avait l’impression que tout l’Elfael était
venu assister à sa pendaison. Une atmosphère de fête planait sur la petite
ville, resplendissante de drapeaux et des bannières
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