Will
nous
poursuivons…
Il ne restait que quatre jours avant la nuit de l’Épiphanie,
qui marquerait le début des pendaisons. Sur l’insistance de Bran et avec force
cajoleries patientes de Tuck, les moines de l’abbaye de Saint-Dyfrig ont
préparé un parchemin identique à la lettre du baron ; puis ils ont
entrepris de recopier la lettre conformément à l’originale, reproduisant chaque
coup de plume. S’ils avaient été des archers, j’aurais dit qu’ils touchaient la
cible neuf fois sur dix, et que la dixième ne passait pas loin – un score
plus qu’honnête, sachant qu’ils ne comprenaient pas ce qu’ils étaient en train
d’écrire. D’accord, ils n’étaient pas en mesure d’utiliser la même encre
marron ; celle dont ils se servaient à l’abbaye avait une apparence plus
vermeille une fois sèche. Néanmoins, partant du principe qu’aucun Ffreinc en
Elfael n’avait jamais vu l’original, nous présumions qu’ils ne verraient pas la
différence.
Pendant que les moines travaillaient, Bran et Iwan ont
entrepris de sculpter une sorte de sceau dans un morceau d’os de bœuf. Œuvrant
avec différents outils récoltés un peu partout dans l’abbaye – des pointes
de couteau jusqu’aux aiguilles –, ils ont fait de leur mieux pour copier
le timbre qui correspondait au sceau apposé sur la lettre. Pendant qu’ils
s’arrachaient les cheveux sur l’ouvrage, Mérian et Cinnia ont confectionné une
ficelle en tissant des fils de satin blanc qu’elles ont ensuite teintée avec un
peu d’encre vermeille et d’autres produits fournis par l’abbaye.
Cela nous a pris deux jours pour achever notre contrefaçon,
et c’était une bien belle chose que nous avions là. Une fois notre tâche
accomplie, nous avons placé les lettres côte à côte pour les comparer. On avait
tellement de mal à les différencier que je n’arrivais plus à savoir laquelle
était l’originale. Ceux qui avaient vu la vraie lettre ne seraient pas capables
de faire la différence, à mon avis, et quiconque n’en connaissait pas
l’existence ne devinerait jamais.
À la fin du service, Bran nous a ordonné de nous préparer à
partir pour Château Truan afin de rendre les marchandises volées au comte.
« Et comment comptez-vous y parvenir ? » a demandé Daffyd ;
si sa voix avait été une aiguille à repriser, elle n’aurait pu être plus
pointue. Je suppose qu’il s’imaginait avoir trouvé dans le plan de Bran une
erreur qui le coulerait comme une meule dans un bateau à rames. « Si vous
êtes attrapés avec n’importe laquelle de ces choses, le shérif vous pendra
sur-le-champ.
— Monseigneur, a répondu Bran, votre sollicitude me
touche infiniment. Je ne doute pas que vous ayez raison. Étant donné que nous
n’avons guère intérêt à fournir de la viande fraîche au bourreau, nous devons
prendre d’autres dispositions. »
Alerté par le sourire retors de Bran, Daffyd a dit :
« Ah oui ? Et quelles seraient-elles ?
— Vous allez rendre les trésors au comte.
— Moi ! s’est écrié l’abbé, dont le visage avait
viré au rouge en un instant. Non, mais dites donc ! Je ne ferai pas une
chose pareille.
— Oh que si, l’a assuré Bran, je crois que vous allez
le faire. Il le faut. »
À dire vrai, l’abbé était le seul choix possible. Quand tout
serait prêt, il serait le seul à pouvoir aller et venir à sa convenance parmi
les Ffreincs sans éveiller trop de soupçons.
« Cela ne marchera pas, a fulminé l’abbé.
— Bien au contraire, a répondu Bran. Si vous faites
exactement ce que je vous dis de faire, ils vous acclameront comme un champion
et boiront à votre santé. » Bran lui a alors expliqué comment les
marchandises volées seraient restituées. « Demain, vous vous réveillerez
et vous vous rendrez à la chapelle pour vos prières du matin. Là, sur l’autel,
vous trouverez un sac contenant une boîte. Quand vous ouvrirez la boîte, vous trouverez
la lettre, ainsi que l’anneau et les gants. Vous les reconnaîtrez comme étant
les articles que le comte de Braose recherche, et vous les lui apporterez, en
lui expliquant précisément comment vous les avez trouvés.
— Ça ne va pas servir à grand-chose, s’ils décident de
me pendre, a fait remarquer Daffyd.
— Si vous parvenez à rendre les marchandises en
présence de l’abbé et du shérif, ce sera encore mieux. De Glanville a tout vu.
Il sait que vous n’auriez pas pu être
Weitere Kostenlose Bücher