1940-De l'abîme a l'espérance
entre la France, les Anglais et les Américains – exposent à de Gaulle un plan d ’Union de la France et de l’Angleterre , entraînant la fusion de leurs pouvoirs publics, la mise en commun de leurs ressources et de leurs pertes, la nationalité partagée pour chaque citoyen, la liaison complète entre les destins respectifs des deux nations.
Utopie, folie, mais peut-être un bon moyen d’encourager Reynaud à tenir tête aux défaitistes.
De Gaulle joint Reynaud au téléphone et, sans lui dévoiler la nature du projet, lui demande de retarder le Conseil des ministres jusqu’à 17 heures, ce jour, dimanche 16 juin.
« Vous seul, a dit Monnet à de Gaulle, pouvez obtenir l’adhésion de Churchill. Il est prévu que vous déjeuniez tout à l’heure avec lui. Ce sera l’occasion suprême. »
Sentiment d’urgence, nécessité d’agir. Et donc de rompre avec les prudences, les procédures habituelles.
Ainsi, de Gaulle donne l’ordre de détourner sur un port anglais le Pasteur qui, chargé de munitions, de milliers de mitrailleuses, d’un millier de canons de 75, se dirige vers Bordeaux.
Il lit, dans les yeux des officiers de la mission militaire française à Londres, l’effroi !
Mais le temps est à l’audace.
De Gaulle s’assied en face de Churchill dans la salle à manger du Carlton Club.
Le Premier Ministre ressemble à un rocher massif, enveloppé dans un costume gris à rayures roses dont les coutures semblent prêtes à se déchirer. Churchill accepte de présenter au Cabinet britannique le projet d ’Union qu’il va soutenir.
« Dans un moment aussi grave, il ne sera pas dit que l’imagination nous a fait défaut. »
À 16 h 30, la décision est acquise. De Gaulle téléphone à Reynaud, expose le projet d ’Union franco-britannique.
Ce peut être un tournant dans cette guerre et peut-être même dans l’histoire du monde.
« Allô, Reynaud, s’écrie Churchill, de Gaulle a raison. Notre proposition a de grandes conséquences. Tenez bon. »
De Gaulle doit rentrer d’urgence à Bordeaux. Il faut conforter Reynaud, organiser la prochaine réunion du Conseil suprême allié, sans doute à Concarneau. Churchill a prêté un bimoteur léger De Havilland Dragon à de Gaulle. Le général Spears est du voyage. L’avenir va se jouer dans les heures qui viennent.
À 17 h 15, ce 16 juin 1940, le Conseil des ministres se réunit, présidé par Albert Lebrun.
Reynaud lit le texte du projet d ’Union franco-britannique d’une voix vibrante.
« … Les deux Parlements seront associés. Toutes les forces de la Grande-Bretagne et de la France, terrestres, maritimes ou aériennes seront placées sous un seul commandement suprême… Cette Union, cette unité concentreront toutes leurs énergies contre la puissance de l’ennemi où que soit la bataille – et ainsi nous vaincrons. »
D’abord, la stupeur et le silence, puis aussitôt la colère, les protestations.
« Nous ne voulons pas que la France devienne une domination britannique », lance Camille Chautemps.
« Plutôt devenir une province nazie, au moins nous saurions ce qui nous attend », dit un ministre, Ybarnégaray, peut-être.
Pétain est méprisant, il est debout. Il dit :
« C’est un mariage avec un cadavre. »
Les partisans de la paix à tout prix l’emportent, non parce qu’ils sont les plus nombreux – Reynaud ne fait pas voter les ministres – mais parce qu’ils sont les plus déterminés, que leur projet couve depuis des semaines voire des mois. Que l’atmosphère de Bordeaux leur est favorable. Que la peur gagne les partisans de la continuation de la guerre qui craignent l’arrestation par les policiers du maire Marquet, ou par les soldats de Weygand.
Reynaud se rend chez le président de la République, Albert Lebrun, à qui il présente sa démission, avec l’intention de reprendre les rênes du pouvoir car Pétain, Weygand et leurs séides ne pourront accepter les conditions allemandes.
Les présidents de la Chambre des députés et du Sénat, Herriot et Jeanneney, l’approuvent.
Reynaud est persuadé que la majorité des ministres – 14 – s’opposent à l’armistice.
Mais il a sous-estimé la résolution de Pétain et Weygand, la résignation d’Albert Lebrun, le degré de préparation de la conspiration, car aussitôt Reynaud sorti, Lebrun reçoit Pétain.
« Pétain ouvre son portefeuille, raconte-t-il, et me présente la liste de
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