1940-De l'abîme a l'espérance
veulent bouter les Boches hors de France doivent se joindre à nous pour les combattre.
Rassemblement !
Haut les cœurs ! La France ne doit pas mourir ! »
C’est en sanglotant que des millions de Français ont écouté Pétain, soulagés, accablés, honteux, comme quand la mort met fin à l’agonie de l’être cher qu’on n’a pu maintenir en vie.
Le président de la République, Albert Lebrun, rend compte de l’attitude des Français qu’il rencontre :
« Moment angoissant entre tous. Les Français connaissent la plus grande douleur de leur vie. Ce ne sont que visages baignés de larmes, poings crispés, colères rentrées. Hé quoi ! Que s’est-il passé pour qu’en si peu de temps la France soit tombée si bas ? Partout une grande lassitude, un profond découragement ! »
Ce « Je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat » achève de désorganiser les fragments d’armées qui s’opposent à l’avance allemande.
Les maires des villes et des villages exigent que les unités qui ont pris position pour arrêter l’ennemi, faire sauter les ponts, y renoncent, mettent bas les armes. Et d’ailleurs toutes les villes de plus de 20 000 habitants sont déclarées villes ouvertes.
Cela révolte deux jeunes officiers, Messmer et Simon [4] , qui, après avoir entendu le discours de Pétain, décident, dès le 17 juin, de gagner l’Angleterre.
Moins de deux heures après avoir écouté l’appel du Maréchal, le général Cochet, commandant les forces aériennes de la 5 e armée, rassemble ses hommes qui, en bon ordre, en combattant, l’ont suivi d’Épinal jusqu’aux monts du Velay. Il donne ses consignes de résistance : « poursuivre la lutte contre l’ennemi, apprendre à dissimuler ».
Il a été chef du 2 e Bureau, chargé du renseignement. Il connaît les intentions allemandes : briser la France, l’amputer de l’Alsace et de la Lorraine, des départements du Nord, la piller et l’humilier.
« La seule attitude possible est de résister », dit-il à ses hommes.
Sur la Loire, le général Pichon confie aux cadets de l’école militaire de Saumur la mission de défendre la Loire, entre Montsoreau et Thoureil, soit 40 kilomètres de front. Les moyens des élèves officiers sont dérisoires : un cadet tous les vingt mètres, quelques fusils-mitrailleurs, pour empêcher les divisions de Panzers d’avancer ! Le maire de Saumur souhaite déclarer Saumur ville ouverte, mais le colonel Michon commandant l’école militaire répond : « Saumur se défendra et n’évacuera pas ! »
À Chartres, le préfet Jean Moulin refuse de céder aux Allemands qui veulent lui faire signer un rapport accusant des soldats sénégalais d’avoir violé, torturé, assassiné, des femmes et des enfants. On le conduit devant des cadavres mutilés, victimes des bombardements mais qu’on a criblés de balles.
Moulin refuse. On le torture. On s’obstine. On le jette dans une cave avec un soldat noir puisque, disent les Allemands, Moulin aime les Noirs. On crie : « Demain, nous vous ferons signer. » Jean Moulin ramasse des morceaux de verre sur le sol de la cave et se tranche la gorge.
Les Allemands le trouveront baignant dans son sang. Ils le conduiront à l’hôpital.
En cent lieux du pays, ces actes spontanés de résistance montrent, dès ce lundi 17 juin, que des Français n’acceptent pas la soumission.
Certains – comme Edmond Michelet, à Brive, qui diffuse des vers de Charles Péguy – réalisent des tracts, collent de petites affiches manuscrites.
Le discours de Pétain a bouleversé la plupart des Français et révolté quelques-uns d’entre eux.
Mais c’est le désespoir, l’angoisse, mêlés au découragement, qui l’emportent.
Les réfugiés espèrent que la cessation des combats leur permettra de regagner leur domicile, que leur calvaire va prendre fin.
D’autres jouent leur carte politique.
Le numéro du lundi 17 juin du journal communiste L’Humanité titre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! Proletarier aller Lander, vereinigt euch ! Pour la paix par l’entente avec l’URSS. »
Les dirigeants communistes, du fond de la clandestinité où ils sont plongés depuis l’interdiction de leur parti après le pacte germano-soviétique du 23 août 1939, décident de prendre contact avec la Kommandantur de Paris – trois jours après l’occupation de la capitale ! – afin
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