4 000 ans de mystifications historiques
utilisés par les armées de la Révolution pour accomplir un génocide.
Et c’est par dizaines de milliers que les Vendéens furent massacrés. De quoi étaient-ils coupables ? On l’a beaucoup dit et écrit : d’être chrétiens et royalistes. C’est inexact, ils avaient accueilli les promesses de la Révolution avec ferveur ; ils s’organisèrent pour résister ; cela enragea l’Assemblée. Mais, surtout, ils étaient vendéens. Ils souffraient d’un préjugé ancien.
La Vendée, en effet, passait déjà pour être le territoire d’une tribu mystérieuse remontant aux origines du monde, les Colliberts, puis le repaire d’une peuplade monstrueuse, les Cagots, qui vivait dans l’opprobre général : bien que chrétiens, ils n’avaient pas le droit d’entrer dans les églises par la porte principale (on leur avait réservé une porte latérale) ; ils n’avaient pas le droit de toucher à mains nues les rambardes des ponts, ni de se montrer pieds nus en public, ni de cultiver la terre – en 1741, un Cagot qui s’y était risqué avait été condamné à avoir les pieds percés par un tison chauffé à blanc (23) .
On eût pu espérer que les principes de la Révolution effaceraient des superstitions d’un autre âge ; il n’en fut rien. On eût également espéré que ces principes retiendraient les militaires chargés de défendre le principe de fraternité ; il n’en fut rien non plus.
Enfin, on eût espéré que le récit de la Révolution par les historiens fît mention des aspects moins glorieux de ce chapitre ; ils en avaient sans doute assez fait avec les noyades de Nantes, les pontons de Carrier et les exécutions de « quelques prêtres réfractaires ». À trop charger le sujet, ne risquaient-ils pas de le couler, lui aussi ? Et surtout après la Seconde Guerre mondiale, parler des fours crématoires de la Révolution aurait suscité l’effroi.
À l’évidence, ces épisodes sinistres ne peuvent résumer la Révolution. Mais ils furent censurés.
Or, il est des cas où la censure équivaut à la falsification. Le manichéisme consistant à identifier les troupes de la Révolution avec les défenseurs du progrès et leurs adversaires avec les Ténèbres est une fabrication malfaisante. Les disciples de la Révolution de 1789 allaient le démontrer maintes fois, surtout en 1917. Sacrifier l’humain à l’idée est inhumain.
1805
La désinformation qui ouvrit à Napoléon
la route de Vienne
Le génie de la stratégie est la facette de Napoléon qui a le mieux résisté à l’analyse critique de ses contemporains et des décennies ultérieures. Des générations de stratèges ont détaillé dans les écoles militaires du monde le déroulement de ses grandes batailles et donné en exemple son sens de la tactique et de la stratégie. Cependant, la déférence qu’inspirent les grands personnages de l’histoire a souvent aussi forcé le trait et occulté des aspects moins flatteurs des faits ; elle a même conduit à les gommer.
Tel fut le cas pour la bataille d’Ulm.
Ce fut devant cette ville du Bade-Wurtemberg, en Allemagne et sur le Danube, que les troupes impériales remportèrent une de leurs plus éclatantes victoires sur les troupes autrichiennes. Trois semaines plus tard, Napoléon entrait dans Vienne.
Le généralissime autrichien Mack avait commis une grave erreur : après avoir pénétré en Bavière, alors alliée de la France, il avait attaqué les Français sans attendre la jonction de son armée avec les troupes russes du maréchal Koutouzov. Il avait escompté une victoire facile sur les soldats du maréchal Ney, qu’il croyait démoralisées. Ses quarante mille hommes furent taillés en pièces par les troupes françaises. La retraite sur Vienne était coupée par Ney. Il se replia dans Ulm, mais ne put tenir le siège : le 24 octobre 1805, il se rendit.
*
Qu’est-ce qui avait conduit Mack à supposer que les troupes impériales étaient démoralisées ? Les propos d’un agent de Napoléon, Charles-Louis Schulmeister, qui s’était installé à Vienne au début de l’année, en se faisant passer pour un aristocrate hongrois chassé de France. En réalité, il était alsacien et avait été recruté en 1800 par Savary, chef des services de renseignements. À Vienne, il avait gagné la confiance de la meilleure société et en particulier, celle de Mack. Il avait déblatéré sur Napoléon, assurant son interlocuteur que la France
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