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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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que quatre piteux roncins quelques années auparavant, louait maintenant de robustes bêtes, de leur province jusqu’à la mer.
    — Oh, je ne doute pas que la baronne Béatrice ait tout tenté, rectifia Jean. C’est une femme de valeur et de parole, nous avons eu cent fois l’occasion de le vérifier. Cela étant, on la dit… parfois étrange. Certes, gardons-nous d’ajouter foi aux ragots. Cependant… Y croit-elle elle-même ? Je veux dire, a-t-elle pris les choses assez au sérieux ?
    — Oui… Puis, c’est qu’une femme, quand même, souligna Lubin Serret, l’apothicaire du village, un petit homme maigre et nerveux dont le regard semblait incapable de se poser plus d’une seconde sur le même point.
    Lubin Serret était connu pour son érudition et sa valeur d’herboriste. Arrivé dans leur bourgade quinze années plus tôt, il y avait vite trouvé place honorable. Veuf depuis dix-sept ans à ce qu’il affirmait, nul n’aurait pu lui accoler depuis une tendresse ou un soulagement de sens quelconque. C’était pourtant un beau parti, et des représentantes de la douce gent n’avaient pas manqué de manifester leur intérêt. En vain. Il se murmurait, cependant, que ses voyages d’étude à Chartres n’étaient pas uniquement consacrés aux simples. On l’en voyait revenir détendu, presque serein, un état qui ne durait guère.
    — Affirmer le contraire serait impossible, admit Jean dit le Sage. Quoi qu’il en soit et à sa décharge, je crois que peu de seigneurs ont eu à affronter ce genre de…
    — Malédiction, il n’existe pas d’autre mot ! tonna Thierry Lafleur. Tout d’abord, je n’ai guère ajouté foi aux divagations de Gaston le Simplet, qui prétend avoir aperçu la… chose à la pleine lune. Il a l’esprit d’un enfançon, comme son aîné qui nous a débarrassés de sa présence à la dernière fièvre, et la vinasse n’arrange rien. Un ours de plus de sept pieds, avec des griffes longues comme une main d’homme, aux yeux d’un vert étincelant… j’en passe et de plus invraisemblables ! Sornettes d’abruti ! Et puis… il y a eu notre pauvre père Henri. C’est là que j’ai su qu’il s’agissait du diable. Qui peut s’attaquer à un prêtre portant haut le crucifix d’argent, sinon un avatar du diable ?
    Tous se signèrent.
    — Et si… hésita Agnan Mortabeuf en reprenant l’argument de Lubin Serret… enfin, si… justement… c’était parce que c’t’une femme ? J’veux dire que cette malédiction s’abat sur nous ?
    Tous les regards convergèrent vers lui et sa peau de blond rougit comme sous l’effet d’un camouflet. Il redoutait de commettre un impair au milieu de cette belle assemblée très fermée de notables, assemblée qu’il avait mis des années à rejoindre à force de calculs et de flatteries, et grâce à sa femme qui s’était fait un devoir de devenir la meilleure amie de Mme Lemercier. Or la jeune et ravissante Annette Lemercier, deuxième épouse adorée de Jean, était réputée pour sa grande vivacité d’esprit, laquelle avait concouru tant aux affaires qu’à la réputation de son mari. Le seul défaut de la belle était sans doute une légère propension au bavardage. Cependant, nul n’aurait eu le mauvais goût de le signaler, d’autant que cette loquacité n’avait jamais porté tort à quiconque et certainement pas à son époux. Annette était assez subtile pour savoir quand se taire. Pesant ses mots, Agnan asséna d’un ton qu’il espérait convaincant :
    — Hormis què’ques z’exceptions… dont les saintes et certaines représentantes d’esprit et d’piété, comme madame Annette, par exemple… À l’évidence, les femmes sont plus proches du démon qu’nous autres, plus sensibles à ses arguments fallacieux. C’est du reste pourquoi on compte bien plus d’sorcières que d’sorciers. D’ailleurs, si on écarte les femelles des importantes successions, c’est pas sans raison.
    Les regards se détournèrent et se posèrent sur Jean le Sage dans l’attente de son verdict. Celui-ci déclara d’un ton lent :
    — Certes, notre bon ami Agnan énonce des vérités manifestes. Il est juste et mesuré en insistant sur le fait que ces faiblesses notoires de la douce gent en épargnent quelques-unes…
    Tous opinèrent du bonnet. Il poursuivit :
    — Toutefois… Béatrice d’Antigny ne nous a jamais donné de raisons de douter de sa foi ou de sa vaillance depuis le trépas du

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