Aïcha
Khatma, le clan même d’Açma bint Marwân. Croyant d’Allah, ‘Omayr ibn ‘Adî était depuis des jours en guerre contre les siens. Ils avaient refusé de lui donner un cheval et des armes pour rejoindre à Badr les troupes de l’Envoyé. Cette nuit, il avait vidé sa honte et tenté de plaire au Messager d’Allah.
Barrayara en savait plus encore :
— Cet ‘Omayr a tapé contre notre porte à l’aube. Tu dormais comme une brique quand on est venu chercher ton époux. ‘Omayr est tombé à genoux devant lui : « Envoyé de Dieu, je l’ai tuée !» Inutile de prononcer le nom de l’assassinée, chacun avait compris. Ton époux a répondu : « Relève-toi. Tu as secouru Allah et Son Messager. » ‘Omayr a gémi : « Devrai-je supporter le poids d’une faute ?» Tu aurais dû voir le sourire de ton époux. Il a dit : « Deux chèvres n’entrechoqueront pas leurs cornes parce que la langue de cette femme ne s’agitera plus. Viens prier avec moi à la mosquée. »
6.
La suite, Talha me la confia quelque temps plus tard :
— ‘Omayr ibn ‘Adî ne s’est pas contenté de l’approbation de l’Envoyé. Il est rentré chez les siens alors que les ombres au sol étaient déjà petites. Aux Anciens de son clan, il a déclaré : « J’ai tué la fille de Marwân. Si vous voulez vous venger sur mon sang, ne me faites pas attendre. » Les vieux des Banu Khatma ont baissé la tête. On raconte que, maintenant, ils veulent venir devant l’Envoyé et se soumettre aux paroles d’Allah, comme ‘Omayr. Allah sait user de tant de moyens pour ouvrir les yeux des mécréants ! Gloire à Lui !
Et c’est ce qu’il advint. Les chefs des Banu Khatma, ceux-là mêmes qui s’étaient réjouis des hurlements de leur poétesse, vinrent en file s’incliner sous le tamaris. Ils battaient des paupières et osaient à peine croiser le regard de Muhammad. Ils lui assurèrent que, désormais, il n’aurait pas de meilleur soutien que les Banu Khatma pour porter la parole d’Allah.
Muhammad leur répondit avec ironie :
— Tant mieux. Vous allez vite pouvoir prouver la pureté de vos coeurs. Les occasions ne manqueront pas. Si vous voulez qu’Allah vous soutienne, rentrez chez vous et ordonnez à vos maisonnées de suivre pieusement le jeûne des Croyants. N’oubliez pas : Allah est grand et domine toute chose. Il voit plus loin que l’ombre des pensées.
Ces mots, Muhammad les prononçait pour les Banu Khatma, mais aussi à l’adresse de tous les Aws et les Khazraj. En vérité, nombreux étaient ceux qui peinaient à respecter le jeûne. Nul n’était accoutumé à une si longue privation. Les jours passant, la soif et la faim mordaient les corps et tourmentaient les esprits bien avant le crépuscule, quand il était enfin possible de boire et de manger. La chaleur pesait sur les nuques. Les gestes s’alourdissaient. Pour nous, les femmes, aller chercher de l’eau sans même pouvoir se mouiller les lèvres était une torture. Le sommeil devenait léger et insuffisant. Certains enduraient l’épreuve avec des coeurs de vrais Croyants. D’autres renâclaient sans vergogne. Tous les prétextes leur étaient bons pour échapper à la loi d’Allah.
Dès son retour de Badr, Muhammad avait ordonné de grands travaux d’agrandissement et la fortification des maisons des Croyants. Elles devaient être aussi hautes, vastes et imposantes que celles des Juifs.
— Les places où vivent les Croyants d’Allah doivent inspirer le respect, répétait l’Envoyé.
On agrandit notre maison : on doubla le nombre de chambres et on éleva des murs aux quatre coins du auvent qui servait de masdjid.
Après dix jours de jeûne, beaucoup de ceux qui travaillaient à ériger les murs vinrent dans notre cour :
— Envoyé, regarde-nous ! Comment mouler des briques et les dresser en murs quand on ne peut ni boire ni manger ? La terre que l’on piétine est mieux nourrie que nous. Reportons les travaux à après le jeûne.
— Allah est sage et très informé. Il compte les jours où Son royaume possédera des murs indestructibles, leur répliqua sèchement Muhammad. Ne vous trompez pas sur Sa clémence. Dieu ne compte aucun délai supplémentaire à celui dont le terme est arrivé [3] ! À l’inverse, Allah saura soutenir au-delà de leurs propres forces ceux qui lui sont fidèles sans arrière-pensées. Les hypocrites rejoindront les mécréants dans un même quartier de l’enfer [4]
Weitere Kostenlose Bücher