Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
désir d'un vieillard décédé depuis trois jours.
--J'ai d'autres choses tout aussi fortes, au cas o˘ tu l'aurais oublié ", répliqua-t-il en chuchotant.
Gêné, Apelle s'éclaircit la voix avant d'affirmer: " Sire, ce :ableau sera un chef-d'oeuvre, digne de traverser les siècles. Ou ~lutôt, ces tableaux, car je voudrais en peindre deux.
--Deux?demandaAlexandre.
--Si tu es d'accord, évidemment.
--Je t'écoute.
--Je compte d'abord te représenter debout, brandissant un éclair, comme Zeus. Je placerai un aigle à tes côtés, car c 'est l'un des symboles de la dynastie argéade. "
Le souverain secoua la tête d'un air sceptique.
" Sire, Parménion et Eumène s'accordent sur le fait que tu dois apparaître dans une telle attitude. Cela pourrait avoir un effet non négligeable sur tes sujets asiatiques.
--S'ils le disent. . . Et l'autre tableau ?
--J'ai l'intention de te peindre chevauchant Bucéphale, en train de charger, la lance au poing. Ce sera une oeuvre mémo rable, je te l'assure.
"
Campaspé laissa échapper un petit rire.
" qu'y a-t-il ? interrogea Apelle en cachant mal son irrita 1~ tion.
--J'ai, quant à moi, pensé à un troisième tableau, répondit la jeune femme.
--De quoi s'agit-il ? demanda Alexandre. Deux tableaux ne suf6~sent-ils pas ? Je ne vais tout de même pas passer le reste de ma vie à poser pour Apelle !
Tu ne seras pas tout seul, expliqua Campaspé avec un éclat de rire encore plus malicieux. Dans le tableau que j'ima gine, tu serais représenté
sous les traits du dieu Arès, se repo sant après la bataille, ses armes abandonnées sur une belle prairie fleurie. Je pourrais, quant à moi, personnifier Aphro dite, occupée à lui procurer quelques menus plaisirs. Tu sais, Apelle, un peu comme ce que tu avais fait pour ce général grec. . .
comment s'appelait-il ? "
Apelle blêmit. Donnant un coup de coude discret à la jeune femme~ il se h
‚ta de dire: " Voyons, le roi n'a pas le temps de pOSer pour trois tableaux. Deux suffisent largement, n'est-ce pas, sire ?
--Oui, oui, mon ami. Et maintenant, veuillez m'excuser, mais Eumène a ponctué ma journée de devoirs variés. Je
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poserai pour toi avant le dîner. Choisis donc le sujet par leque tu préfères commencer. S'il s'agit du tableau équestre, fais préparer un cheval de bois: je doute que Bucéphale ait la patience de poser, même pour le grand Apelle. "
Le peintre s'inclina et entraîna son modèle réticent Alexandre entendit qu'il réprimandait la jeune femme en s'éloignant dans le couloir.
Aussitôt après, Eumène introduisit d'autres visiteurs ® une dizaine de chefs de tribus de l'intérieur qui venaient prêter allégeance à leur nouveau maître.
Alexandre alla à leur rencontre et leur serra la main chaleu reusement.
" que réclament-ils ? demanda-t-il à l'interprète.
--Ils veulent savoir ce que tu attends d'eux.
--Rien.
--Rien ? répéta l'interprète d'un air stupéfait.
-- Ils peuvent regagner leurs maisons et vivre en paix comme avant. "
Celui qui semblait être le chef de la délégation murmura quelque chose à
l'oreille de l'interprète.
" que dit-il ?
-- Il dit: "Et les impôts ?"
--Oh, en ce qui concerne les impôts, intervint prompte ment Eumène, ils demeurent inchangés. Nous avons, nous aussi, des dépenses et...
--Eumène, je t'en prie, interrompit Alexandre. Tu n'es pas obligé de t'appesantir. "
Les chefs des tribus se consultèrent un moment avant d'af firmer qu'ils étaient très satisfaits; ils souhaitaient tout le bien du monde au puissant seigneur qui leur faisait face et le remerciaient de sa bienveillance.
" Demande-leur s'ils veulent dîner ici ", dit Alexandre.
L'interprète s'exécuta.
" Alors ?
--Ils te remercient de les avoir invités, mais ils répondent que la route est longue, que leur présence est nécessaire pour traire le bétail et aider leurs femmes à accoucher...
--J'ai compris, interrompit Eumène. Des affaires d~…tat très urgentes.
Remercie-les d'être venus, conclut Alexandre. Et n'ou blie pas de leur remettre des présents de bienvenue.
_ quels présents ?
--Je ne sais pas... des armes, des vêtements, ce que tu veux, mais ne les renvoie pas les mains vides. Ces gens sont attachés aux traditions, ils savent encore apprécier les bons usages. Et ce sont des rois chez eux, ne l'oublie pas. "
Le repas fut servi après le coucher du soleil, quand Alexandre eut terminé sa
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