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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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et respecté pour avoir été, en 1066, aux commandes du Mora, le vaisseau dans lequel avait pris place Guillaume le Conquérant pour envahir l’Angleterre. Un rapide calcul nous permet de considérer que l’homme devait friser les quatre-vingts ans, ce qui était un âge tout à fait inhabituel pour l’époque et aurait peut-être dû faire réfléchir l’entourage royal sur ses capacités physiques à mener le bateau de nuit. La traversée commença sans difficultés. La mer était calme. Du vaisseau royal on entendit au milieu de la nuit des cris venant de l’autre vaisseau, mais on n’y prêta pas attention ; tout le monde savait que Guillaume Adelin avait fait embarquer une belle quantité de vin avec la ferme intention de passer une joyeuse traversée. Au matin, de tous les passagers de la Blanche-Nef, il ne restait qu’un boucher rouennais, incapable d’expliquer le drame en détail tant les choses s’étaient déroulées rapidement. Il semble que le navire s’était échoué sur un récif et avait sombré en à peine quelques minutes, entraînant dans la mort l’héritier du trône et les trois cents garçons et filles qui l’accompagnaient. Le récit du naufrage de la Blanche-Nef est un des passages célèbres de l ’Historia ecclesiastica du grand historien normand de la première moitié du XIIe siècle, Orderic Vital. En quelques mots, il dit la stupeur et l’abattement dans lesquels le pays fut plongé en apprenant le drame :
    Humiliée l’Angleterre, jadis gloire des terres :
    Sur les flots la voilà soudain noyée, noyée la nef.
    Celle dont la gloire rayonnait sur le monde entier
    Subit l’éclipse, son soleil l’ayant délaissée…
    On dit que plus jamais personne ne vit sourire le roi Henri 1er Beauclerc. Il continua d’exercer la fonction royale pour le bien commun, mais en lui quelque chose s’était brisé.
    Cinq ans plus tard, en 1125, l’empereur d’Allemagne mourait, laissant Mathilde veuve. Elle ne pouvait rester sans mari, et c’est Henri Beauclerc qui se chargea de lui en trouver un. Ce fut le frère de son ex-belle-fille, Geoffroy d’Anjou. Le souvenir du mariage de son fils adoré avec une Plantagenêt a-t-il joué dans son choix ? Ou le souci de s’assurer la frontière sud de son duché normand tout en s’attachant un allié contre le roi de France Louis VI avec qui il était en guérilla quasi permanente pour le Vexin normand, éternelle querelle entre Capétiens et Normands ? Geoffroy Le Bel avait quinze ans à l’époque. Mathilde, dont nous avons entrevu la forte personnalité, l’avait sans doute trouvé un peu jeune, mais elle s’inclina devant la décision paternelle. Veuf, Henri 1er, qui aimait sincèrement sa femme, Mathilde d’Écosse, s’était laissé persuader, après quelques années de célibat, d’épouser en secondes noces Adèle de Louvain qui ne lui avait pas donné d’enfant. Sa seule héritière étant l’« Emperesse » , le roi, pressentant les difficultés à venir après sa mort, avait pris la précaution par deux fois de faire jurer fidélité à sa fille par tous ses barons. Il avait passé les dernières semaines de sa vie à Lyons-la-Forêt où il s’était éteint le 1er décembre 1135.
    Avec lui se terminaient trente ans de prospérité anglaise. Tout bascula en quelques semaines. La mort du roi à peine connue, son neveu Étienne de Blois, malgré le serment qu’il avait jadis prêté à Mathilde, se précipita en Angleterre pour se faire sacrer au nom de sa filiation directe avec le Conquérant par sa mère Adèle. Étienne possédait de nombreuses terres sur l’île où il était populaire. Ces possessions, ajoutées aux comtés de Mortain, de Bellême et de Boulogne, en faisaient un riche seigneur. Membre de la famille de Blois, il nourrissait une haine « familiale » pour les comtes d’Anjou dont Mathilde avait épousé le tenant du titre. Il était prêt à tout pour que la couronne anglaise ne tombe pas entre les mains des Plantagenêt. L’accueil que lui firent les barons anglais fut assez mitigé, pas véritablement hostile, mais pas enthousiaste non plus. Tout le monde sentait qu’on allait assister à une bataille sérieuse et la plupart attendait de voir de quel côté le vent allait tourner. Étienne avait un atout dans sa manche : son frère, Henri de Blois, cardinal de Winchester, ville où se trouvait le trésor royal. Entre frères, on arrangea un tour de passe-passe : le cardinal

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