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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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crise cardiaque.]
    Durant ces deux journées entièrement consacrées à ses activités en Italie, Stangl n’a mentionné la mort de Wirth qu’en passant. « Je l’ai vu mort, dit-il. On a dit qu’il avait été tué par les partisans, mais nous avons pensé que c’étaient ses propres hommes qui lui avaient réglé son compte. » [Tous les ouvrages historiques de l’époque mentionnent Wirth comme « présumé mort » ; la remarque de Stangl doit donc être considérée comme la seule émanant d’un témoin oculaire.]
    « Mon affectation la plus importante et la plus longue en Italie, dit-il, a été celle d’officier d’intendance à l’Einsatz Poll [86]  ». J’étais responsable de la totalité des approvisionnements en chaussures, vêtements, nourriture. J’étais le seul à porter des vêtements civils. L’armée et la SS, tout le monde devait être à ma disposition. J’étais porteur d’un papier signé du général, stipulant “Le Hauptsturmführer Stangl est autorisé à exercer ses activités en uniforme ou en civil et tous les services sont requis de lui porter aide et assistance pour l’exécution de sa mission”. Globocnik m’a dit : “Quand vous avez besoin de quelque chose, ne regardez pas à la dépense.” « J’avais avec moi un homme qui n’avait rien d’autre à faire que de transporter des coffres pleins d’argent… des millions… »
    Suchomel confirme tout cela. «  L’Einsatz Poil, dit-il, était le titre qui servait à camoufler les fortifications d’Istrie, construites par des travailleurs italiens sous commandement allemand. À la tête de l’ensemble était le général SS Globocnik, principalement chargé de tous les approvisionnements en matériaux. Ce qui ne pouvait être obtenu légalement (par exemple essence, pneus, étoffes pour uniformes) était acheté au marché noir. » Suchomel parlait de cette partie de la carrière de Stangl en se référant plus particulièrement à l’évasion ultérieure de Stangl. « À la faveur de ses activités à Udine et surtout à Venise, Mestre et Trévise, Stangl a eu de nombreux contacts parmi les Italiens, m’a dit Suchomel. Je sais personnellement et je peux témoigner qu’il a aidé en Italie un grand nombre de gens dont les activités ont donné lieu à une action disciplinaire dirigée contre lui. [Stangl m’en avait parlé.] Stangl et son personnel à l’Einsatz Poll avaient un tas de démarcheurs italiens dont certains même étaient des nobles. À la fin tout passait pratiquement par le marché noir. Il a certainement pu utiliser plus tard ces relations pour s’échapper. Après tout, il s’est rendu compte bien avant l’événement que la guerre était perdue. Et il est fort possible que dès ce moment-là, lui et Gustl Wagner avec qui il était intime, ont exploré les possibilités de se cacher ou de s’évader… »

5
    Il semble que les Américains avaient interné Stangl pour la seule raison qu’il avait appartenu à la SS. L’enquête de routine avait révélé ses activités antipartisans en Italie et en Yougoslavie et on ne lui avait pas posé de questions sur ses autres fonctions pendant et avant la guerre.
    On a beaucoup écrit depuis sur les autorités américaines d’occupation et leurs enquêtes au sujet des criminels et des crimes nazis, et bien souvent pour les critiquer d’une façon ou d’une autre. Et il est de fait que l’attitude politique de quelques autorités civiles américaines, qui reflétait celle de certains clans importants du State Department, n’a pas toujours été cohérente ni, pour tout dire, moralement défendable. Il est vrai aussi, par ailleurs, que les autorités d’occupation avaient à faire face à des problèmes d’une difficulté et d’une ampleur presque insurmontables (et non sans analogie avec ceux qu’ont dû affronter la Croix-Rouge internationale et, jusqu’à un certain point, le Vatican).
    Ainsi que j’ai pu le constater par moi-même, quand j’ai travaillé à l’UNRRA en Allemagne à partir du printemps de 1945, au début les troupes combattantes américaines qui prenaient la relève, tout en manquant naturellement de l’expérience des complexités de la politique et de l’histoire européennes, faisaient preuve de toute l’indignation morale souhaitable devant ce qu’elles découvraient en Allemagne et ailleurs et s’affirmaient résolues à « les boucler d’abord, les interroger ensuite ». Mais elles se

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