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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Henry qui
     s’informait du bon déroulement de son rendez-vous du matin.
    — En fin de compte, il n’y aura pas de maison Marie-Ange. Oui, je le sais que
     tu as fait ton possible. Je t’en remercie bien gros, Henry. Un jour,
     peut-être...

    À Chicoutimi, la ligne était occupée. Essayant de ne pas céder à la panique,
     Yvette fit couler un verre d’eau froide et l’apporta à son jeune frère.
    — Le docteur s’en vient, le rassura-t-elle.
    Elle l’aida à boire. Elle voulut retourner rappeler ses parents. Adélard la
     retint.
    — Laisse-moi plus tout seul Yvette, la supplia-t-il.
    Yvette s’assit sur le bord du lit et prit la main du malade dans la sienne. De
     toute façon, il était plus sage d’attendre le diagnostic du médecin avant de
     parler à sa mère.
    — Ça va-tu mieux ? demanda-t-elle.
    — Un peu. Peut-être que le docteur est pas obligé de
     venir.
    Yvette lut la peur dans les yeux de son jeune frère. Elle tenta de le
     rassurer.
    — Ça doit être rien de grave.
    — J’te donne du trouble, la grande sœur, hein !
    — Ben non voyons, Adélard.
    — Zoel pis moé, on t’a toujours fait étriver. J’me rappelle les crises que tu
     nous piquais !
    — Vous étiez pas du monde ! J’oublierai jamais la face du pauvre Gustave
     Duchesne le soir qu’il était venu veiller chez nous.
    — Il louchait comme dix !
    — C’était pas une raison pour passer devant nous deux, les yeux vissés sur
     votre bout de nez. Vous étiez malcommodes.
    — C’était l’idée de Zoel, tu sais bien.
    — J’me souviens quand Zoel t’a habillé en fille avant d’appeler tout le monde
     au salon. Il avait une grande chanteuse à nous présenter.
    — Zoel m’accompagnait au piano pendant que je t’imitais.
    Yvette mit une main sur le front de son frère. Le regard d’Adélard était
     vitreux. Que faisait le médecin ?
    — Je suis content que tu recommences à chanter, dit Adélard. Maman était si
     fière de toi quand t’es partie à Paris. Pis Vincent est ben fin.
    — Oui, c’est… un bon ami.
    — Quand je vais aller mieux, ça te dérangerait-tu si j’invitais une fille à
     souper ?
    — Une fille ?
    — Oui, c’est la sœur d’un gars qui étudie avec moi. Elle s’appelle Rose.
    — Mon petit frère est amoureux ! C’est-tu ça, ta
     maladie ?
    La sonnette de la porte d’entrée retentit.
    — Si c’est cela, le docteur y pourra pas grand-chose, mon pauvre…

    —  Fais dodo, Cola mon petit frère, fais dodo, t’auras du lolo.
    Papa est en bas qui fait du chocolat, maman est en haut qui fait du gâteau…
    En chantant, Mélanie berçait son petit garçon.
    « Non, papa est pas en bas, il est au chalet d’Henry pis maman s’ennuie… » se
     dit-elle.
    De lassitude, elle ferma les yeux. Julianna n’était pas encore revenue de sa
     réunion du carnaval. Timmy était au lit. Le sommeil avait également rattrapé
     depuis plusieurs minutes Dominique. Mélanie avait préféré le garder tout contre
     elle, comme réconfort, pour chasser sa mélancolie. Allons, il lui fallait juste
     être patiente. Bientôt, Pierre et elle se chercheraient un petit coin bien à
     eux, son mari ne la quitterait plus, tout irait mieux, oui, tout irait mieux…
     Doucement, elle se leva et alla coucher son fils. Elle revint se bercer. Le
     projet de la maison Marie-Ange avait occupé une partie de ses pensées
     aujourd’hui. Julianna y avait tellement cru ! Mélanie en était venue à partager
     l’enthousiasme de sa belle-mère. Une maison accueillante, qui sentirait bon
     l’odeur du pain chaud… Un endroit réconfortant, un abri, un asile où enfin
     briser le silence. Ce silence que Julianna détestait tant.
    — Tu vois, Mélanie, tout le monde s’en lave les mains, lui avait dit Julianna.
     Du moment que tout reste caché, pour faire semblant que tout va bien, qu’il n’y
     a pas de saletés dans nos maisons, nos villages, nos villes. Nous sommes desfamilles propres, charitables, chrétiennes ! Pourtant, il y a
     des appels à l’aide... Personne n’y répond.
    Mélanie avait honte d’avoir fermé les yeux comme tous les autres… La femme du
     rang nord qui tombait dans les escaliers plus souvent qu’à son tour, la petite
     Turcotte qui n’était jamais revenue à l’école, la jeune Élisa qui n’était plus
     que l’ombre d’elle-même ! Des rumeurs, des ragots, du linge sale qu’on lave en
     famille, des secrets

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