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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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pairs et pairesses qui avaient abandonné leurs voitures ou leurs automobiles et qui se hâtaient en costumes d’apparat sur les trottoirs humides de Victoria Street, car une petite pluie fine commençait de tomber.
    Sébastien regarda d’un œil amusé le spectacle imprévu qu’offraient ces dames et ces messieurs dans leurs plus beaux atours, à neuf heures du matin ; Victoria Street, si calme d’habitude, s’était tout à coup transformée en un lieu de plaisir et de réjouissances. Il épia les Templecombe ; lady Templecombe étreignait ses jupes et sa coiffure de plumes tremblotait lamentablement dans la brise matinale. Sébastien fut content que le laissez-passer de l’Earl Marshal lui ait évité cette course à pied. Aux portes de Westminster, il se trouva devant une foule plus importante que celle qui l’attendait à Grosvenor Square ; mais ici, au moins, il pouvait se consoler en se disant que ce n’était pas lui seul qu’on regardait. Personne n’avait eu le temps de demander à ses valets à qui était le carrosse ; il put se glisser rapidement dans l’abbaye, sans que son nom fût murmuré aux flèches du Parlement ou aux échos de Big Ben. Maintenant, il n’était plus qu’un figurant ; il avait cessé d’être lui-même.
    À l’intérieur, tout était silence et dignité. Un officier de service s’approcha de Sébastien, prit son nom et le précéda, à pas de loup, vers la place qui lui était attribuée. Sébastien regarda autour de lui et salua les hommes qu’il connaissait. Maintenant qu’il était avec des hommes habillés comme lui, il oublia qu’il était ridicule. Il redressa les épaules sous son lourd manteau. Il avait presque l’impression de n’être pas assez habillé, car tous ces hommes – plus âgés que lui – portaient des insignes auxquels sa jeunesse ne pouvait prétendre. Le duc de Northumberland avait la Jarretière ; lord Waterford avait l’étoile de Saint-Patrick. C’étaient tous des hommes d’un certain âge ;Sébastien les connaissait personnellement, ou bien il les avait entendus parler à la Chambre des lords. Il eut honte, lui, si jeune, que son rang lui donnât le droit de prendre place parmi eux.
    De jeunes garçons, leurs pages, en robes blanches et écarlates, se tenaient derrière eux ; Sébastien pensa qu’un tel rôle lui conviendrait mieux que le rôle actif qu’il avait à jouer. Son page le rejoignit bientôt ; c’était un petit cousin d’Eton ; il lui prit sa couronne et la fourra sous son bras, comme un ballon de football. Sébastien lui sourit avec sympathie ; c’était un petit garçon aux joues resplendissantes, heureux surtout de manquer l’école plutôt que du privilège d’assister au couronnement.
    Sébastien continua de regarder autour de lui, en attendant la cérémonie. Là, sur la table, étaient les insignes de la royauté ; là se trouvaient les grands dignitaires de l’État ; plus loin, les archevêques de Canterbury et d’York et plusieurs évêques avec leurs grandes manches de batiste. Beaucoup de pairs, quelques gentilshommes d’armes. Ils attendaient le moment où on leur donnerait les insignes royaux, passant des mains du lord chambellan de la maison du roi aux mains du grand connétable, du connétable au grand chambellan, du chambellan aux pairs et aux prélats qui devaient les porter pendant la procession. Il y avait la couronne d’Édouard le Confesseur, le globe, le sceptre, les éperons d’or, les glaives de la justice ; Curtana, l’épée de la miséricorde. Tous ces objets n’avaient pas plus de sens pour Sébastien qu’un jeu de tarots, et, cependant, quelque chose en lui était ému par ces emblèmes d’une royauté séculaire. Il regarda avec un sentiment de propriété qui le faisait sourire le petit objet biscornu et médiéval qui lui reviendrait, et, se rappelant que les mains de ses ancêtres s’étaient également refermées sur lui, il se demanda s’ils avaient eu, comme lui, peur de le laisser tomber. Est-ce que le vieux Sébastien, le premier duc, qui accompagnait la reine Élisabeth dans cette même abbaye, l’avait porté avec autant de respect et avait attendu avec la même angoisse le moment où il le remettrait, intact, à son gardien ?
    Sébastien ne pouvait détourner ses regards du petit objet que, seul, il avait le droit de porter, et, en le regardant, il sentit la longue lignée de ses ancêtres se dresser autour de lui comme des fantômes, le

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