Avec Eux...
nuage ne vient obscurcir la perspective de notre soirée. Câest le cÅur bien léger que nous nous mettons enroute avec Alain Juppé, François Fillon et leurs épouses. Nous entonnons des chansons basques dans le 4 à 4 piloté dâune main sûre par François Fillon qui est, comme on le sait, un pilote expert, un amateur éclairé de Formule 1 et des Vingt-Quatre Heures du Mans. Lâambiance est détendue, nous sommes bronzés, en tenue de vacances, loin du protocole, loin de tout ce qui pourrait brider notre liberté. On rit beaucoup. Câest un début de soirée infiniment décontracté. Jâaime beaucoup Isabelle Juppé, une femme très zen, adorable et enthousiaste par ailleurs ; jâaime aussi Pénélope Fillon, rêveuse et passionnée de cheval. Nous sommes sur la route après Irun. Philippe nous raconte les rallyes auxquels il a participé dans cette région quâil connaît par cÅur. La nuit tombe, le ciel est clair et nous sommes heureux de partager ce moment volé au temps et aux contingences imposées par les responsabilités.
Mais voilà  : le restaurant que nous cherchons est particulièrement difficile à dénicher, et nous nâavons pas de GPS intégré. Peu à peu nous nous égarons dans les méandres de ces petites routes de montagne. Dans cette atmosphère de copains, Alain Juppé lance soudain en riant : « Avez-vous remarqué les trois motos qui sont derrière nous ? On dirait quâelles nous suivent depuis un moment ! » Sur le ton de la plaisanterie, jâajoute : « On dirait que la soirée va mal finir ! » Câest de lâhumour noir. Jâironise, parce que nous sommes au cÅur du Pays basque espagnol. Et si ces trois motos nous suivaient ? Et si câétaient des terroristes ?
« De toute façon, ajoute Alain Juppé sur le même mode, si nous avons le moindre problème, nous laissons les femmes en otages, et nous continuons notre chemin ! » Ãclats de rire, je le traite de macho⦠Un sentiment de danger naît pourtant peu à peu, entre nous. Je pense à lâETA, lâorganisationindépendantiste, qui continue à justifier la lutte armée. Les etarras sâopposent à deux Ãtats : la France et lâEspagne. La question basque nâest pas banale : « Gora Euskadi », « Euskadi Ta Askatasuna » (Patrie basque et Liberté)⦠Les clandestins sont réfugiés en France. Leur pouvoir est au bout dâun fusil. Les mots se mêlent dans ma tête : revendications dâindépendance, attentats, liquidations, enlèvements, manifestations à coups de cocktails Molotov⦠Bon, allez, pas de parano, mais quand mêmeâ¦
Lâabsence dâofficiers de sécurité, que nous avons voulue, va peut-être devenir problématique ! Lâespace dâun instant, il est vrai, un souvenir affreux me submerge. Je ne peux mâempêcher de repenser à lâagression quâa subie Philippe, sept ans auparavant ; ce week-end noir du 1 er  mai 1997. Ce jour-là aussi, Philippe était sorti sans officier de sécurité, à Lourdes, et il avait été poignardé par un déséquilibré. Je vivais avec lui depuis trois ans. Jâétais à ce moment très précis loin de là , en Corse, avec ma meilleure amie Béatrice Esposito, directrice des programmes de RTL, dans la maison dâun ami intime de Philippe, à Coti-Chiavari.
Cette tentative dâassassinat mâa bouleversée pour toujours.
Tous les jeudis soir, Philippe, qui partageait son emploi du temps entre sa vie de ministre et sa vie de maire, prenait lâavion pour sa ville de Lourdes et allait à la rencontre des Lourdais, ses électeurs. Cette fois-là , à lâheure de la sortie du sanctuaire, alors quâil était entré dans une des multiples boutiques de souvenirs qui jalonnent la rue principale, un individu sâétait précipité sur lui, un couteau à la main. La lame avait pénétré sa chair⦠Philippe avait perdu des litres de sang. Le drame absolu.
Jâavais appris lâagression par la radio, sur la route de Porticcio. Jâétais paniquée. Mon portable ne passait pas. Je neréussissais pas à obtenir
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