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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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après la professionnalisation voulue par Forjett, la police de Mumbai est toujours tenue, à juste titre, pour la plus efficace de l’Inde, dotée des meilleurs inspecteurs. Ajay se souvient d’avoir un jour piloté une équipe de policiers new-yorkais dans les slums de Dharavi. « Ils n’en revenaient pas », dit-il. Il souligne combien il est difficile, dans une ville si densément peuplée, de ne pas se laisser déborder par les énormes flux migratoires et leur sillage de crimes. « Il faudrait vraiment une baguette magique pour arriver à tous les détecter. À ma connaissance, il n’y a pas une ville au monde qui ait une aussi vaste panoplie de crimes que la nôtre. » Ajay rêve aux installations fabuleuses mises à la disposition des flics américains. « Si c’est comme au cinéma, ils ont des gymnases, des douches… »
    Il a eu des mots avec le rédacteur en chef du Bombay Times qui, en termes peu élogieux, avait comparé la police de Bombay à Scotland Yard. Ajay lui fit remarquer que s’il avait consulté les statistiques, il aurait pu vérifier que la police de Bombay arrivait à résoudre la quasi-totalité des enquêtes qu’on lui confiait. Pourquoi y avait-il tant d’affaires à traiter ? avait demandé le journaliste. Parce qu’il y avait un nombre incalculable de plaintes. Dans les fonctions qu’il occupe aujourd’hui, Ajay passe la majeure partie de son temps à recevoir chaque jour entre soixante et soixante-dix personnes qui sollicitent ses services pour les problèmes les plus divers, de l’extorsion aux incartades conjugales. « Quatre-vingts pour cent des gens viennent me voir pour me dire qu’il faut expulser Untel de leur appartement ou qu’Untel voudrait au contraire les expulser. Et si j’accède à la demande de celui qui veut se débarrasser d’un intrus, le type expulsé va crier sur les toits que les flics sont des vendus. » Les retombées de la loi sur les baux locatifs accaparent Ajay. Bien plus que la guerre des gangs, c’est cette loi qui bafoue le droit de ses enfants et de sa femme à voir plus souvent leur père et époux.
    Il en est ainsi pour la simple et bonne raison que les effectifs de police sont très insuffisants pour cette ville à la croissance folle. En 1951, quatre ans après l’indépendance, à l’époque où Bombay coulait des jours heureux, on comptait 4,3 policiers pour mille habitants. L’année de mon retour, en 1998, cette proportion avait presque diminué de moitié ; elle est actuellement de 2,6 pour mille. Il n’est donc pas surprenant que les forces de l’ordre croulent sous la charge. « Ici, précise Ajay, du commissaire au planton, pratiquement tout le monde travaille quatorze à quinze heures par jour. Un agent de police est de garde douze heures d’affilée, de huit à huit, mais il ne rentre souvent chez lui qu’à dix ou onze heures. Et il n’y a pas d’heures supplémentaires. » Les agents touchent un salaire mensuel de quatre mille roupies, moins que ce que je verse à mon chauffeur. Plus de dix mille d’entre eux attendent des logements de fonction, auxquels ils ne peuvent prétendre qu’au bout de dix ans d’ancienneté. Le parc de logements de la police ne peut accueillir que soixante pour cent des effectifs ; les quarante pour cent restants habitent dans les slums. « Alors le petit agent de base va trouver le bhaï du slum et il lui propose un marché : “En principe tu prends vingt-cinq mille pour louer un cabanon ; le mien tu me le laisses à vingt mille et je te paye avec des paiements différés ou des travaux.” Tu crois que ce type va sévir contre le truand qui tient le slum ? Il va plutôt se demander ce que la police fait pour lui, oui. » D’autant que l’agent qui se dévoue corps et âme à son métier n’a même pas l’espoir d’offrir une vie meilleure à ses enfants. Le règlement de la police de Bombay stipule qu’un agent peut au mieux viser le grade d’inspecteur adjoint. On comprend bien des choses lorsqu’on sait que le père de Dawood Ibrahim était simple agent dans la police de Bombay. Même si cet exemple reste un cas d’espèce, Ajay estime urgent d’augmenter la proportion de policiers musulmans : actuellement, ils représentent moins de cinq pour cent des effectifs.
    Les armes et les laboratoires de la police de Bombay sont antédiluviens. Le gang de Dawood enrichit son arsenal dans les bazars qui fleurissent à la frontière pakistano-afghane. Il

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