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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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les alentours du poste de police. Le comptable d’un de mes amis lui a volé quarante-cinq lakhs et il est parti se réfugier dans le Sud, où il vit toujours. La plainte déposée par mon ami a conduit la police à arrêter la sœur du comptable. Elle n’était pour rien dans le vol, mais les flics l’ont tout de même gardée vingt jours en détention provisoire dans l’espoir de convaincre son frère de se livrer. Quand mon ami est repassé au poste, l’officier qui suivait l’affaire lui a appris qu’elle était « au trou » et l’a invité à « faire ce qu’il voulait avec elle ». Afin d’assurer la sécurité de cette femme, mon ami a envoyé un de ses employés monter la garde jour et nuit devant la cellule, pour la protéger des représentants de la loi.
    Récemment, mon oncle m’a sermonné parce que j’avais envoyé Sunita chercher des formulaires au bureau des Renseignements généraux, responsable de l’enregistrement des étrangers. « On n’envoie pas les femmes chez les flics ! » Effectivement, elle a passé un mauvais quart d’heure, là-bas. Les inspecteurs ont échangé devant elle des remarques obscènes en marathi, l’officier chargé du dossier lui a déclaré qu’il pouvait la traduire devant un tribunal avec les enfants si tel était son bon plaisir. J’aurais dû prononcer le nom d’Ajay, on m’aurait livré les fameux formulaires à domicile, mais nous venions d’arriver et nous respections encore les convenances apprises en Occident. Nous prenons plus de libertés, maintenant que nous nous sommes familiarisés avec le Pays du Non.
    L’arrivée de ma sœur, venue nous voir de San Francisco avec son fiancé, m’a fourni l’occasion de prendre la mesure du pouvoir d’Ajay. Nous étions dans son bureau quand je me suis levé en annonçant que je devais aller les chercher. Il a aussitôt appelé le chef des services de police de l’aéroport et m’a expliqué la marche à suivre. Arrivé à l’aéroport, je me suis présenté au poste où l’officier de garde a relayé la consigne : « C’est Lal Saab qui l’envoie. Vous vous tenez à sa disposition », a-t-il ordonné à un policier en civil. M’ouvrant les espaces auxquels le public n’a pas accès, mon guide m’a entraîné au pied de l’escalator qui dessert la section des arrivées. Ma sœur en était tout ébahie, et elle le fut plus encore quand nous avons remonté ensemble la longue file des passagers – ô le bonheur d’échapper à cette attente interminable ! – pour passer la douane les doigts dans le nez. Le douanier en chef m’a serré la main avant de poser d’une petite voix la question de rigueur : « Rien à déclarer ? » Rien du tout ! Ma sœur et son fiancé ne transportaient pas d’article justifiant le paiement d’une taxe, mais le simple fait de savoir que nous aurions pu importer à volonté des ordinateurs, des munitions, de l’alcool ou même de l’héroïne nous donnait un sentiment de toute-puissance. Moi qui justement m’étais si souvent senti impuissant en arrivant dans cet aéroport, voilà que je m’y déplaçais en toute impunité avec mon escorte de policiers, franchissais des entrées interdites, toisais des hommes en armes. Les règles ordinaires ne valaient pas pour moi.
    J’aurais pu m’y habituer.
     
    Ces jours-ci, à neuf heures du matin, quand la sirène retentit la chaleur est déjà écrasante. Tous ceux qui le peuvent ont fui. Seuls les malchanceux – les étudiants recalés, les hommes d’affaires en mauvaise posture – doivent endurer l’été en ville, prendre les transports en commun, se risquer dans la fournaise des rues. L’été est plus torride chaque année. Le soleil se lève tard, mais son ardeur compense ce répit. Après un hiver passé à rassembler ses forces, il est chargé à bloc.
    Un soir, vers sept heures, je passe voir Ajay à son bureau. Il couve quelque chose et a coupé la climatisation ; la pièce sent la sueur rance, elle grouille de moustiques assoiffés qui boivent goulûment mon sang. Il y a peu, Ajay a arrêté plusieurs membres d’un même gang employés dans une fabrique de chaussures de Dharavi où ils gagnaient entre huit cents et quinze cents roupies par mois. Les jeunes gens qui par millions travaillent dans les usines de la ville mènent une vie de misère. Ils s’échinent du matin au soir dans des locaux mal éclairés et surchauffés où il leur est impossible de se tenir le dos

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