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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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téléphone une mère d’élève qui l’invite à venir avec Gautama à une fête d’anniversaire organisée à l’école le samedi suivant. Le deuxième jour, elle se lie avec une autre (qui vient de déménager de Lagos avec toute sa famille) et prévoit déjà de l’accompagner à la piscine du club Breach Candy, autrefois réservée aux Blancs mais ouverte désormais à tous les détenteurs d’un passeport étranger. Nous sommes tout de suite intégrés dans ce milieu. La mère de Komal n’a pas tenu sa promesse de passer nous voir ; pas une des mères rencontrées à la New Era ne nous a jamais conviés, nous ou notre fils, à un anniversaire, et jamais leurs enfants ne sont venus jouer chez nous. Nous étions trop « cosmopolites », pour elles. Chacun fait partie du club qui l’accepte, et le nôtre se compose de gens aisés, d’anglophones, d’anciens exilés rentrés au pays. Head Start accueille les filles et les fils de gros industriels et de têtes couronnées. Mon fils ne recevra pas la même éducation que moi ; il sera formé au sein de l’élite, du moins de l’élite indienne. Si nous devions rester ici, il entrerait ensuite à Cathedral ou à la Scottish Mission et irait rejoindre les rangs de ces garçons qui me regardaient de haut, quand j’avais leur âge. Il est aussi difficile de descendre les échelons du système de caste que de les grimper.
    À Head Start, les mères organisent implacablement les fêtes d’anniversaire de leurs rejetons. Mon fils a ainsi été invité dans un bel appartement de Cuffe Parade : babioles et gâteries venaient droit de Dubaï, un amuseur professionnel a présenté un chien dressé à jouer au basket. Gautama rentre à la maison avec trois assortiments de crayons de couleur et de feutres (articles dont je rêvais, petit) fabriqués à l’étranger. En tout il devait bien y avoir une centaine de gamins, à cette fête qui aura coûté dans les cent mille roupies {23} au bas mot (quelque mille sept cents euros). Quoi qu’il en soit, cela constitue un sage investissement, dans le milieu de la haute société bombayite, une manière de préparer les enfants à la vie de soirées et de réceptions qui les attend. Dans les classes huppées, deux questions taraudent en permanence les esprits de tous âges : Serai-je sur la liste de la prochaine fête ? Qui vais-je inviter à la mienne ?
    Une frénésie particulière caractérise ces réjouissances organisées dans un pays pauvre. Pas de soir sans qu’il y ait une fiesta quelque part, aussi les invitations rivalisent-elles d’inventivité : elles vous arrivent dans un gant de laine, un verre à liqueur, une jolie boîte contenant aussi des pâtes, des champignons séchés et des herbes aromatiques d’Italie. Il s’agit là des fêtes des grandes personnes qui reçoivent, ou pas, celles et ceux qui étaient, ou non, reçus chez leurs parents où elles allaient en classe. On y rencontre quantité de bombabes – de jolies femmes habillées de court. À ce propos, un vrai changement s’est opéré en Inde où l’on croise maintenant des célibataires endurcis de trente ou quarante ans. Pour justifier son refus de se marier, l’un de ces réfractaires me donne sa version d’une vieille rengaine : « Si tu as du lait à volonté tous les jours, pourquoi t’embêter à acheter la vache ? » La vache, en l’occurrence une Bombabe trentenaire dont la date limite de vente sur le marché matrimonial a expiré depuis un an, si ce n’est trois. Brillante sur le plan professionnel parce qu’elle est célibataire, désespérément seule pour la même raison, c’est une proie toute désignée pour les hommes mariés, les lesbiennes, les obèses – quiconque souhaite l’enlacer jusqu’au bout de la nuit. En public, toutefois, rien ne transparaît de sa vulnérabilité. Il ne faut surtout pas que ça se sache. Les épouses en sont jalouses.
    Bombay est bâti sur l’envie : les gens mariés envient ceux qui n’ont pas d’attaches, et vice versa, les petits-bourgeois envient les grands bourgeois, les richissimes envient ceux qui ne payent pas des impôts. Les panneaux publicitaires exploitent ce trait : « Il est à moi et j’en suis fier, les voisins en bavent », proclame le slogan d’une pub télévisée où l’on voit un démon vert cornu serrer un poste de télé entre ses pattes. La page trois du Bombay Times, les dernières pages de l’ Indian Express, les colonnes du

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